ANALYSES

Nominations aux postes clés de l’UE : le risque d’une erreur stratégique

Presse
30 août 2014
Après la folle semaine de l’exécutif français, dont il n’est pas exclu que le souvenir imprègne la mémoire du pays comme l’épisode de « Knysna » le fit jadis son football, c’est à l’Europe désormais de se trouver de nouveaux dirigeants.

Les chefs d’État des 28 pays membres auront à s’accorder samedi sur la composition du nouvel exécutif européen, dans le sillage de la nomination de Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission.

 
La difficile répartition des postes clés

S’ils souhaitent s’éviter tout sabordage collectif anticipé, les dirigeants européens feraient bien de tirer quelque leçon des derniers tâtonnements de l’exécutif français. Et qui sait de s’appliquer quelques principes qui n’ont plus guère cours en politique : penser à long terme plutôt qu’à court, ensemble plutôt qu’en ordre dispersé, de façon stratégique plutôt que politicienne, et de manière à répondre aux attentes de citoyens déboussolés, qui sont en quête de sens et lisibilité.

Si l’on en juge par la teneur du débat ouvert à Bruxelles avant l’été, la partie est loin d’être gagnée. Après des semaines de discussions byzantines, les tractations avaient achoppé sur des arguties politiciennes, et les chefs d’État n’avaient pas réussi à s’accorder sur la répartition des postes clés au sein de l’appareil européen.
Quel projet ?

Après cinq années de mandature marquées du sceau brutal d’une crise sociale, économique et financière, la question est pourtant d’importance : il s’agit de nommer des dirigeants qui soient en mesure de hisser l’Union hors de la gestion à flux tendus de la crise, et de construire son horizon à plus long terme.

Las, les postes de président du Conseil européen, de l’Eurogroupe, ou de diplomate en chef de l’Union sont toujours l’occasion d’une combinatoire qui se soustrait scrupuleusement à toute considération de politique étrangère, et qui ne pose la question ni des compétences, ni des capacités à négocier et diriger.

Il y a là un vice de forme fondamental. Les marchandages à 28 ont progressivement fini par effacer la question de savoir quelle vision élaborer pour l’Europe, et qui est capable de la porter. L’enjeu est-il vraiment de savoir aujourd’hui comment conjuguer au mieux les critères les plus acceptables de genre, de nationalité et d’affiliation politique pour aboutir à la nomination la plus géométriquement parfaite possible ?

Quid du projet collectif européen, des personnalités les plus à même de l’incarner, des vertus d’avoir les idées claires ?
Le diesel européen

L’actualité estivale vient pourtant rappeler, si c’était encore nécessaire, le bénéfice que retirent les pays de l’Union à répondre de manière concertée aux crises qui éclatent au sein du continent et à ses marges.

De la troisième série de sanctions à l’endroit de la Russie au lancement tant espéré de Galileo, le rival européen du GPS américain ; de l’ardeur des investisseurs à acheter de la dette grecque au soutien européen commun aux Kurdes d’Irak : avec quelque retard à l’allumage et certains contretemps, le diesel européen finit ordinairement par se mettre en branle.
L’Europe au défi de la zombification

Tout l’enjeu des discussions de ce week-end est de donner à la machine européenne la possibilité de prévoir et les moyens d’agir. Il ne s’agit pas de restreindre les prérogatives des pays du continent, mais bien plutôt de ne pas entamer davantage leur capacité à peser sur le cours des choses et à défendre leurs intérêts.

L’insondable somnambulisme stratégique européen qui croît au fil des crises, qui se multiplient aux portes de l’Union (Proche-Orient, Moyen-Orient, Ukraine, Syrie, Sahel, Libye), ne peut plus faire office de politique commune plausible.

Aussi l’urgence à très court terme est de parler du long terme au plus vite. Quel projet politique pour l’Europe dans la mondialisation ? Quel rôle l’Union conçoit-elle de jouer dans son environnement immédiat ? Comment dissiper la brume tenace qui entoure son action extérieure ?

Voilà les enjeux auxquels il faut répondre, et les questions que le nouvel exécutif européen doit être en mesure de poser aux 28 chefs d’État. Toute autre issue ne fera qu’entériner la zombification démocratique, politique et stratégique de pays européens aux prises avec leurs propres démons sur la scène intérieure.

 

 
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