ANALYSES

« Le blocus de Gaza est illégal et ne peut être accepté plus longtemps »

Presse
18 septembre 2014
Au lendemain de la trêve conclue entre le Hamas et Israël après les bombardements de Gaza, quelle pourrait être l’action de la communauté internationale pour aboutir à une paix durable ?



Le gouvernement israélien déclare déplorer l’influence et l’action du Hamas. Mais s’il souhaite réellement, comme il le déclare, renforcer l’Autorité palestinienne, la première chose à faire c’est certainement d’entamer de véritables négociations avec cette dernière. Et des négociations, qui ne débouchent pas sur rien, faites uniquement pour gagner du temps ou pour apaiser les opinions publiques internationales mais des négociations qui aboutissent à des résultats tangibles. Or, les conditions du retrait israélien de Gaza, retrait unilatéral non négocié avec les Autorités palestiniennes, sont venues l’affaiblir par rapport au Hamas. Depuis 2005, le Hamas appuie sa communication en disant que c’est son action militaire qui a permis le retrait israélien alors que l’Autorité palestinienne, dans la mesure où celui-ci n’a pas été négocié avec elle, ne peut mettre en avant aucun progrès qui aurait été réalisé grâce à la voie de la négociation. En fait, la politique de force et d’intransigeance employée par Israël depuis la rupture du processus d’Oslo, est toujours venue renforcer le Hamas. En outre, il faut rappeler qu’à la suite des premiers attentats commis à la fin de l’année 2000 par le Hamas, le gouvernement israélien a puni l’Autorité palestinienne en démantelant et en bombardant des structures qui lui appartenaient. Un acte qui lui aussi n’a fait que renforcer le Hamas. Si l’on veut vraiment renforcer l’Autorité palestinienne et aller vers la voie des deux Etats, il faut permettre à l’Autorité palestinienne de se prévaloir de résultats concrets devant sa propre opinion. Comment faire ? II apparaît clairement que si cette horrible guerre ne débouche sur rien, si le blocus continue comme avant, cette trêve qui est pour l’instant respectée ne sera qu’une trêve c’est à dire une période provisoire entre deux périodes de conflit. Si on se contente de la trêve sans déboucher sur une solution politique et sans aller plus loin, les mêmes causes produisant les mêmes effets, affrontements tirs de roquettes et bombardements recommenceront. II y a un bilan extrêmement lourd du conflit En termes non seulement du nombre de morts et de blessés dont de nombreuses personnes lourdement mutilées pour l’ensemble de leur vie, mais aussi en termes de destruction d’infrastructures, d’habitations, d’écoles, d’hôpitaux en termes de capacités de ravitaillement aussi. II y a donc deux défis. Un défi urgent qui est l’aide humanitaire pour permettre aux gens de s’alimenter et de se loger. Et un défi à plus long terme avec la reconstruction de Gaza. Or, cette reconstruction ne peut avoir lieu si le blocus continue.


On dit souvent dans la presse que les Palestiniens sont la population la plus aidée ou que l’aide accordée aux Palestiniens est structurellement forte. Mais si les Palestiniens pouvaient vivre, produire, exporter et circuler librement, ils n’auraient pas besoin d’aide. Et la bande de Gaza pourrait être, cela a été évoqué il y a quelque temps, une espèce de Singapour proche-oriental.

Comment parvenir à la fin du blocus ? II est certain que l’actuel gouvernement israélien, qui est quand même l’un des plus à droite voire le gouvernement le plus droitier depuis la création d’Israël, ne va pas accorder cette levée du blocus sauf à ce qu’elle apparaisse comme une victoire pour le Hamas. Donc il faudra que cette levée du blocus soit imposée. Comment ? Par une pression de la communauté internationale. On ne peut cependant qu’être dubitatif sur ce point quand on compare la rapidité des sanctions prises contre la Russie el la capacité à en prendre contre Israël. La Russie, pour avoir annexé la Crimée, avec l’accord de la population de la Crimée et à la demande de la population de Crimée, en violation cependant du droit international, a été sanctionnée. Israël a annexé Jérusalem contre l’avis de la population et contre, lui aussi, le droit international. Aucune sanction n’a été prise contre Israël. Ceci dit, s’il n’y a pas une pression de la communauté internationale pour qu’Israël lève le blocus, les Etats-Unis pèsent lourdement dans la situation ainsi que la pusillanimité des autorités européennes, rien ne se passera.


Cette solution ne peut-elle pas venir de la pression des opinions publiques ?



On voit bien que ce qui s’est passé est un tournant par rapport aux opinions publiques. II y a vraiment une prise de conscience. Bien sûr celle-ci existait déjà. Mais il est certain qu’elle s’est très nettement accentuée. II y a eu dans le passé des pressions occidentales pour qu’Israël  cède du terrain et fasse des gestes. Mais les autorités israéliennes craignent beaucoup plus les campagnes de l’opinion publique, campagnes de boycott, sanctions des investissements, que les pressions gouvernementales en fait inexistantes depuis 2000. Sauf que l’opinion sera d’un effet à moyen et à long terme et pas immédiat. II faut donc une très forte mobilisation pour faire pression avec la levée du blocus soit un mot d’ordre, blocus illégal qui ne peut être accepté plus longtemps.


La question de la poursuite de la politique de colonisation menée par Israël en Cisjordanie ne pèse-t-elle pas aussi beaucoup dans la situation ?



Si Israël comme le proclament ses dirigeants voulait conforter l’Autorité palestinienne et ne pas conforter le Hamas ce n’est certainement pas en poursuivant la colonisation, la privation l’accaparement des terres tel que cela se produit en Cisjordanie qu’elle le ferait. A cet égard, nouvelle provocation, l’annonce de l’annexion de 400 ha pour permettre l’accentuation de la colonisation est une gifle et un coup terrible porté à l’Autorité palestinienne. Israël part du principe que, de toute façon, le monde ne l’aime pas et qu’il n’a pas à se soucier du reste du monde. Et, en même temps, c’est aussi parce qu’à chaque fois qu’Israël fait un pied de nez à la communauté internationale, celle-ci ne réagit pas. II n v a donc pas de raison pour qu’Israël change d’attitude dans la mesure où ses différentes provocations ou violations du droit international ne sont pavées d’aucun prix. De fait, ce n’est pas seulement dans une impasse que nous nous trouvons mais dans un sable mouvant avec un rejet de plus en plus fort des Palestiniens du côté israélien et, conséquemment, un rejet de plus en plus fort des Israéliens du côté palestinien. II faut vraiment dire halte au feu et faire machine arrière.


L’exemple des pressions faites sur l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid ne peut-il inspirer l’action internationale ?



Le cas de l’Afrique du Sud montre effectivement que les sanctions peuvent réussir. A condition qu’elles soient massivement suivies et qu’elles ne soient pas seulement le fait de tel ou tel Etat. II y a d’ores et déjà des Etats latino-américains qui ont pris des sanctions contre Israel en arrêtant leurs relations économiques ou en les réduisant. Mais sur ce point, ce sont les Etats occidentaux, à nouveau, qui font obstacle à ces prises de décision. On voit très bien qu’Israël craint beaucoup la comparaison avec l’Afrique du Sud.  Israël se bat pour qu’on ne qualifie pas d’apartheid le sort réservé aux Palestiniens. Sauf qu’entre le blocus, les colonies, les routes séparées et les check points, la situation de séparation est très nette.


 

Sur la même thématique