ANALYSES

La trêve à Gaza, premier pas vers une paix future ?

Interview
27 août 2014
Le point de vue de Didier Billion
Après 50 jours de combats, un cessez-le-feu a été trouvé entre Israël et le Hamas. L’accord qui en a résulté va-t-il dans le bon sens ? En espérant que cet accord perdure, quels sont les prochains chantiers des autorités israéliennes et palestiniennes pour permettre la désescalade de la violence ?

On ne peut que se féliciter qu’il y ait un cessez-le-feu au vu de la tragédie humaine et de l’ampleur des destructions matérielles. Cinquante jours de barbarie, c’est cinquante jours de trop. L’accord signé possède un avantage sur les précédents, celui de son caractère illimité dans le temps. On peut donc souhaiter que celui-ci se pérennise dans les jours mais surtout dans les semaines et les mois à venir. Toutefois, nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle période de violence ; personne ne le souhaite mais on ne peut malheureusement pas exclure cette possibilité au vu du climat de tensions qui existe entre les deux parties et le jusqu’auboutisme du gouvernement israélien. Cet accord est certes positif mais il n’est pas suffisant : c’est un premier pas nécessaire avant la mise en œuvre de pourparlers et de négociations.

Alors que l’on parle d’une reconstruction qui durerait de 15 à 20 ans et qui va coûter des milliards d’euros, les termes de l’accord trouvé vont-ils permettre à Gaza de reprendre pied économiquement ?

Du point de vue de la reconstruction, il est évident que ladite communauté internationale va être obligée de se mobiliser car l’ampleur des destructions est gigantesque : on estime les dégâts matériels causés à 6 milliards d’euros. Il va donc falloir une mobilisation extrêmement importante pour que dans les meilleurs délais les conditions de vie à Gaza soient de nouveau à peu près acceptables. On sait par exemple que la majorité des Gazaouis n’a plus accès à l’électricité depuis que la principale centrale de production électrique a été détruite par un bombardement.
Le deuxième aspect, plus politique, concerne la question du blocus. On pourra trouver toutes les solutions inimaginables, lever les fonds, multiplier les solutions de reconstruction, etc., sans levée du blocus par les autorités israéliennes – sans oublier la responsabilité des autorités égyptiennes sur ce point – dans les meilleurs délais revient à mettre un cautère sur une jambe de bois. Or il ne m’a pas semblé voir dans l’accord accepté hier (même si l’on n’a pas encore le texte complet), qu’il y ait la perspective clairement énoncée de la levée du blocus. Cela signifie donc que la question politique n’est évidemment pas réglée. C’est-à-dire que les diplomates – pas seulement israéliens, égyptiens et palestiniens -, et la dite communauté internationale doivent beaucoup plus s’investir pour faire pression sur Israël et que la levée du blocus puisse s’effectuer dans les meilleurs délais, condition incontournable pour permettre à Gaza de se reconstruire. On sait cependant que le gouvernement israélien n’y est pas favorable.
Après cette question de court-terme, se posera celle de la nécessaire relance de négociations israélo-palestiniennes dignes de ce nom, mais on en est encore loin.

Le rôle central de l’Egypte dans ces négociations n’est-il pas également la preuve de l’incapacité de la communauté internationale à stopper ce conflit ?

Le constat est accablant. Une fois de plus, ladite communauté internationale n’a pas prouvé son efficacité sur ce dossier, qu’il s’agisse de l’ONU mais également de la Ligue des Etats arabes qui n’a guère brillé par sa capacité de prise d’initiatives : il y a certes eu de nombreuses déclarations mais elles sont restées lettre morte.
Même si elle fut longue à réagir, l’Egypte a eu un rôle incontestable tant lors du premier cessez-le-feu il y a une quinzaine de jours que sur celui conclu, en abritant les pourparlers indirects qui avaient lieu entre les parties au conflit.
Mais l’Egypte, alors qu’elle est elle-même en prise avec de nombreux défis sociaux et politiques, ne pourra pas modifier les rapports de force, ni régler toutes les questions. Aussi, sans une mobilisation extrêmement rapide d’un maximum de membres de la dite communauté Internationale, on en reviendra au point de départ. En effet, la situation, qui prévalait avant même ces 50 jours de bombardement à Gaza, était explosive et ne pouvait que générer une forme de radicalisation non seulement des groupes comme le Hamas ou le Jihad Islamique mais également d’une partie de la population.
Pour parer à cette radicalisation et tenter de mettre enfin en œuvre une solution politique, car c’est la seule issue, il est nécessaire que la situation géopolitique de Gaza, c’est-à-dire le fait que ce soit une prison à ciel ouvert, soit brisée et que la situation sociale et matérielle des habitants se modifie radicalement et rapidement. Mais, au vu de l’ampleur des destructions, on peut craindre que cela prenne du temps.

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