ANALYSES

Soudan, Soudan du Sud, Centrafrique : une situation régionale de plus en plus complexe ?

Interview
20 décembre 2013
Le point de vue de Philippe Hugon
Quelle est la nature des tensions de la toute jeune nation du Soudan du Sud ? Quels sont les enjeux ?
Le Soudan du Sud est un pays qui est indépendant depuis peu de temps et donc un État qui est à construire. Il a évidemment été marqué par une guerre qui a duré plus de 20 ans, avec les forces armées qui ont fait la guerre au pouvoir. On assiste aujourd’hui à un affrontement entre Salva Kiir, le président, et celui qui était vice-président jusqu’en juillet dernier, Riek Machar. C’est une rivalité qui est très ancienne et qui a parfois été liée à leur position vis-à-vis du Soudan. On a accusé notamment Riek Machar d’avoir des liens avec Omar el-Béchir, le président soudanais. Il existe une rivalité au sein de l’armée, étant entendu que ce sont les membres proches de Salva Kiir qui ont le pouvoir au sein de celle-ci. Mais les groupes proches de Riek Machar ont également une force militaire non négligeable et, en arrière-plan, se pose la question de la répartition du pouvoir entre les différents groupes. Concrètement, ce sont les Dinka qui sont représentés par Salva Kiir le président en poste, alors que Riek Machar est de l’ethnie Nuer. On assiste donc aussi à des tensions de dimension ethnique.

Les tensions sont toujours vives entre le Soudan du Sud et son voisin, le Soudan. Où en sont les relations ?
Les relations sont très tendues. Elles se traduisent souvent par des accrochages militaires. Après cela il y a des négociations ou des réconciliations, mais on peut dire que la question n’est pas réglée sur un certain nombre de domaines comme la délimitation des frontières, puisque notamment la région d’Abiyé est encore controversée où le referendum n’a pas eu lieu. Il y a également une controverse sur la question de la citoyenneté. Enormément de Soudanais du Sud habitent le Soudan et sont devenus apatrides, puisque le Soudan n’a pas voulu leurs donner la citoyenneté soudanaise. Et, bien sûr, l’enjeu pétrolier est majeur, puisque les ressources pétrolières se trouvent au 3/4 au Soudan du Sud, alors que les pipelines et les raffineries, se trouvent au Soudan. Or il y a actuellement rupture des relations dans le domaine pétrolier qui est la ressource première à la fois du Soudan et du Soudan du Sud. Cela se traduit par une crise financière grave.

Centrafrique, Soudan, Sud Soudan … n’assiste-t-on pas à une situation de plus en plus compliquée dans cette région du monde ? Une solution politique est-elle envisageable ?
Il est certain qu’il y a une dimension régionale. Cette dimension est évidemment le fait que le Soudan ait été soutenu par la plupart des pays de la ligue Arabe et la Chine, alors que le Soudan du Sud était soutenu par les Etats-Unis, Israël et un certain nombre de pays voisins tels le Rwanda et l’Ouganda. Bien entendu, ce qui se passe au Soudan (et en particulier au Darfour) et au Soudan du Sud, sont en liaison avec ce qu’il se passe en Centrafrique. Une partie des membres de la Séléka viennent de ces zones. Il y a une porosité des frontières, et l’on a actuellement des interdépendances qui existent. Pourquoi la question de la Centrafrique est centrale, c’est parce que si l’ordre n’est pas rétabli, si le chaos existe, cela rétroagira sur les pays voisins. Il y en a 8, dont le Soudan et le Soudan du Sud.
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