ANALYSES

Bruxelles/Moscou : qui fait le plus pression sur Kiev ?

Interview
29 novembre 2013
Quelles sont les principales raisons de la décision du gouvernement ukrainien de suspendre les négociations de l’Accord d’association avec l’U.E. ?
L’Union européenne avait fait du transfert de l’opposante Ioulia Timochenko un préalable à l’examen de tout rapprochement entre Bruxelles et Kiev. Ce préalable du point de vue ukrainien, et notamment de ceux hostiles à un rapprochement avec l’UE, était considéré comme un ultimatum. Et bien entendu, Kiev ne pouvait pas l’accepter. Par ailleurs, si l’on avait libéré Ioulia Timochenko, on aurait doté l’opposition d’un leader tout trouvé pour les élections présidentielles de l’année prochaine. Ioulia Timochenko a été emprisonnée pour un certain nombre de raisons et la libérer reviendrait à signifier que, peut-être, elle a été emprisonnée à tort. Quoi qu’il en soit, ce qui est sûr, c’est que Kiev ne peut pas admettre de se soumettre à une telle condition.

Quelles seront les conséquences de cette décision, à court et moyen terme, sur l’avenir européen de l’Ukraine et sur ses relations avec Moscou ?
Ce qui est clair, c’est qu’à court terme, cela gêle toutes perspectives de rapprochement entre l’UE et l’Ukraine, mais il faut se rappeler qu’il y a des élections présidentielles l’an prochain et il se peut très bien qu’avec une autre administration, ce soit « reculer pour mieux sauter ». Finalement, il est possible que le rapprochement qui est suspendu, reprenne avec une équipe différente. Il est évident qu’à partir du moment où les choses sont suspendues avec l’UE, forcément, Moscou va essayer de pousser le dossier sur l’union douanière et essayer de rapprocher les Ukrainiens de la Russie. Et malheureusement c’est soit l’un soit l’autre. En attendant les prochaines élections présidentielles de 2015, a priori, les dés sont jetés.

Bruxelles et Moscou s’accusent mutuellement d’avoir fait pression sur Kiev. Cette crise est-elle un nouvel exemple des rapports tendus que l’UE et la Russie entretiennent depuis près d’une décennie ?
Tout à fait. Sauf que les approches de Bruxelles et de Moscou ne sont pas du tout les mêmes. Moscou essaie de construire un ensemble géopolitique avec l’Ukraine qui l’unirait avec la Biélorussie et le Kazakhstan ; alors que de son côté, l’UE n’essaie pas d’attirer l’Ukraine dans l’Union européenne. Il est, pour le moment hors de question que l’Union européenne accepte le pays en son sein. D’un côté on essaie de bâtir, et de l’autre côté, on essaie d’empêcher les Ukrainiens d’aller vers une autre construction politique que l’Union européenne. Il y donc des pressions pour construire tandis que de l’autre, il y a des pressions pour empêcher que cela se fasse.