ANALYSES

Envoi de troupes françaises en Centrafrique : la France victime de son succès ?

Interview
27 novembre 2013
Alors que le contexte budgétaire actuel est plutôt morose, est-il raisonnable pour la France d’ouvrir un nouveau front militaire sur le continent africain ?
Tout d’abord, la France n’ouvre pas un nouveau front militaire mais répond à une situation d’urgence. Car faute d’intervention internationale – et la France agit dans un cadre onusien multilatéral et non pas bilatéral ou unilatéral –, des massacres de grande ampleur ou des crimes contre l’Humanité pourraient être commis. La France est en capacité d’agir et est en bonne position pour le faire car, outre la présence sur place de soldats français, elle entretient des relations anciennes avec la République centrafricaine. Ainsi, même si cela représente effectivement une charge supplémentaire pour nos armées, cette opération reste dans les capacités de la France. Ce n’est pas une intervention de très grande ampleur nécessitant forcément une coalition internationale.
Ceci étant, on peut dire que dans une certaine mesure la France est un peu victime de son succès au Mali puisque finalement on lui réclame à nouveau d’agir dans l’urgence. L’Afrique ne représente pas une zone traditionnelle pour les Américains. Par ailleurs, lorsqu’ils agissent, ils le font après des procédures nettement plus longues et avec un emploi beaucoup plus massif des forces. La France peut agir très rapidement, avec des forces relativement limitées comme elle l’a fait au Mali et on se trouve un peu dans la même situation en République centrafricaine. Alors effectivement, on peut encore agir en République centrafricaine mais on ne pourrait pas le faire dans de nombreuses autres circonstances.

L’intervention au Mali et celle qui se prépare en Centrafrique témoignent-elles d’une certaine volonté de la France de retrouver sa place en Afrique subsaharienne ?
La France n’a jamais perdu sa place en Afrique subsaharienne, elle a toujours été présente et donc elle ne revient pas après être partie. Mais les circonstances font qu’à la présence traditionnelle – à la fois politique, sécuritaire, économique, culturelle –, s’ajoute soudainement une urgence militaire qui requiert un déploiement de forces et l’usage de la force – dans le cas du Mali – ou tout du moins un déploiement – dans le cas de la République centrafricaine. On peut donc dire que, dans les deux cas, la France agit par réaction aux événements : rien n’était planifié ni prévu, c’est l’urgence de la situation qui est venue dicter le comportement français. Ce n’est pas non plus un plan d’ensemble pour revenir en Afrique ni une illustration de la Françafrique, c’est une réponse aux besoins urgentissimes – et en même temps d’une importance stratégique majeure – de deux pays qui étaient en situation de crise profonde avant l’intervention française.

Au vu de son activité ces derniers mois, on a eu l’impression que la France était omniprésente sur la scène internationale. Comment expliquez-vous ce dynamisme de la diplomatie française ?
Effectivement, on peut dire que sur le dossier syrien, dans l’affaire iranienne, au Mali et plus précisément aujourd’hui en République centrafricaine, on voit la France et ce de façon positive. Bien sûr, le succès de l’accord du P5+1 avec l’Iran est un succès collectif mais la France y a joué un rôle important. Au Mali, chacun a salué l’action française. Et donc, effectivement, un observateur pressé pourrait faire une certaine comparaison entre les difficultés intérieures auxquelles est confronté l’exécutif français et ses succès extérieurs. Ces succès découlent à la fois de la conjoncture des événements et d’une volonté de la France d’être active et de réagir rapidement lorsque ceux-ci l’exigent. Mais ces réussites sont également, je pense, le fruit d’une bonne collaboration entre les ministres de la Défense et des Affaires étrangères qui travaillent vraiment main dans la main.