ANALYSES

Quelles conséquences à un rapprochement Iran/Occident ?

Interview
27 septembre 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
Comment interpréter l’offensive de charme du nouveau président iranien ?
A chaque fois que les Occidentaux sont confrontés à une opération de charme, ils se posent la question de savoir si c’est sincère ou si c’est un piège qu’on leur tend. Il y a toujours la crainte de se faire avoir et d’être naïf par rapport à une politique de charme qui ne serait pas suivie d’un changement sur le fond.
Finalement on a déjà eu cela avec Gorbatchev où certains observateurs pensaient qu’il menait la même politique que Brejnev, le sourire en plus. Aussi faut-il appliquer la même formule qu’à l’époque, « il ne faut pas le prendre aux mots, il faut le prendre aux faits ».
Les mots de Rohani sont intéressants, ils sont un signe d’ouverture pouvant correspondre aux aspirations personnelles du président iranien et à celles de son pays, mais tout ceci demande à être vérifié. Il s’agit ainsi d’accueillir ces propos par des paroles bienveillantes, dire que nous sommes ouverts au dialogue, et ensuite vérifier si ce dialogue traduit un changement réel de politique ou non. Le discours n’est pas tout mais le discours compte. Lorsque l’on passe d’un président qui affirme qu’Israël doit être rayé de la carte à un président qui reconnaît l’holocauste, nous ne sommes pas dans le même discours, on ne peut pas ne pas en tenir compte. Mais il faut bien évidemment que les faits suivent.

Que signifierait un rapprochement tangible de l’Iran avec les pays occidentaux ?
Il faut avant tout que ce soit un rapprochement mutuel, chacun y a intérêt. Si on était inquiet du programme nucléaire militaire iranien, ceux qui proposaient des frappes pour l’arrêter conduisaient à une catastrophe encore plus grande. On a pu voir à quelle catastrophe a mené la guerre d’Irak, mais une guerre contre l’Iran aurait été une catastrophe encore plus grande.
Dans le même temps, il serait très dangereux que l’Iran se dote de l’arme nucléaire. S’il y a un rapprochement et que l’on peut régler la question nucléaire, tout le monde peut y gagner.
D’autre part, qu’il s’agisse de l’Irak ou de la Syrie, l’Iran est un pays important ; on ne peut pas ne pas traiter avec lui, même si nous avons de mauvaises relations. Nous pouvons avoir des désaccords, mais c’est une raison de plus de le considérer non pas comme un partenaire mais un protagoniste de l’affaire.
On peut envisager la situation en termes de perspectives économiques, ce qui intéresse les Iraniens au premier chef. Si on pouvait montrer au peuple iranien qu’un discours moins agressif était perçu positivement dans le monde occidental et que cela permettrait une amélioration des relations politiques et de la situation économique en Iran, on peut penser que l’on pourrait quitter le cercle vicieux dans lequel étaient auparavant les relations entre l’Iran et le monde occidental pour rentrer dans un cercle vertueux où chacun aurait à y gagner. Les Iraniens n’accepteront rien en situation de faiblesse, en étant contraints à la négociation. Il faut donc les traiter non pas comme un pays vaincu qui vient à résipiscence mais comme un grand pays avec lequel nous avons intérêt à dialoguer.

Quel rôle pourrait jouer l’Iran dans le jeu international si ce rapprochement se confirmait ?
L’Iran pourrait, plutôt que d’être un « Monsieur Non » ou un acteur déstabilisant dans le Golfe et ailleurs, apporter une contribution positive au règlement des problèmes politiques nombreux qui se posent dans la région. Un apaisement des relations entre les Occidentaux et l’Iran pourrait s’accompagner d’un apaisement des relations entre l’Iran et ses voisins arabes, ce qui bénéficierait à tout le monde.
L’Iran, bien sûr, a parfois un comportement paranoïaque, mais il a en même temps de réels ennemis. Un Iran peut-être moins inquiet pourrait devenir un partenaire effectif, ce qu’il a été dans le passé.
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