ANALYSES

Quels enjeux autour de la désignation de Tokyo pour les JO 2020 ?

Interview
9 septembre 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
Avez-vous été surpris par l’attribution des JO à Tokyo ? Est-ce un choix par défaut ou existait-il un argument décisif selon vous ?

Aucun favori ne se détachait nettement avant la décision de samedi. Il n’y a donc pas eu une énorme surprise, comme lorsque Londres a battu Paris dans une lutte au finish, la compétition étant réellement ouverte. La désignation de Tokyo n’a donc ni été une victoire acquise à l’avance, à l’instar de Pékin 2008, ni une victoire de dernière minute.
De surcroît, il n’y a pas eu d’argument décisif mais une série d’arguments qui a mené à la désignation de Tokyo comme ville hôte des JO. A ce titre, ce n’est pas un choix par défaut parce que finalement il y avait nombre de candidats et le CIO a élaboré une short-list avec ces trois villes, même si entre temps, Rome avait retiré sa candidature. Il y avait donc trois bons dossiers et trois pays, trois villes qui étaient tout à fait éligibles.

Que manque-t-il à Istanbul pour qu’elle gagne enfin ?

Peut-être que pour Istanbul, les événements passés, les troubles politiques et l’environnement régional, notamment à la frontière syrienne, ont joué contre cette candidature.
Ce qui a joué contre Istanbul, c’est peut-être également le coût qui était de loin le plus important en termes de budget. D’ailleurs, les coûts sont régulièrement dépassés par rapport aux prévisions et le CIO a certainement voulu envoyer un message contre la démesure, ceux des jeux étant de plus en plus critiqués.
Ainsi, les troubles à la fois nationaux et régionaux, au même titre que le coût excessif, ont joué contre la candidature d’Istanbul.
Peut-être qu’une révision du budget et l’apaisement des tensions nationales et internationales pourraient contribuer à une victoire, dans les années à venir, de la Turquie.

Le CIO prend-il toujours les décisions les plus prudentes ?

Si on avait mis en avant les critères géopolitiques, Istanbul s’imposait, car une telle désignation constituerait un précédent : première fois que les JO auraient eu lieu dans un pays musulman, et première fois aussi qu’ils auraient été dans un pays à cheval sur deux continents, à la jonction entre l’Orient et l’Occident. Un tel choix aurait été symboliquement très fort.
Néanmoins, si les critères géopolitiques comptent, ils n’ont pas été prédominants en l’occurrence. D’ailleurs, c’est la première fois depuis longtemps que le CIO n’a pas fait prévaloir le critère de la première fois, comme ça a été le cas pour Rio ou pour Pékin. Cette fois-ci, il s’agit plutôt d’un retour à la prudence.
Avec le drame de Fukushima et les dons que les comités olympiques ont fait au Japon, cette désignation s’inscrit dans une dynamique qui vise à réconforter et faire un pari sur l’avenir. Le Japon est à la fois un pays moderne, industriel mais un pays qui a souffert récemment et qui doit également panser ses plaies. C’est donc un véritable message d’espoir qui a été délivré par le CIO au Japon. Du reste, l’économie japonaise se porte relativement bien et le manque de crédibilité économique, d’une part pour l’Espagne, et politique, d’autre part pour la Turquie, ont certainement contribué à ce choix. Il faut également souligner l’importance que le CIO semble avoir accordé à la problématique environnementale. Le dossier japonais était fortement construit sur la protection de l’environnement, et, même si cela peut paraître curieux au regard de Fukushima, les membres du CIO ont probablement souhaité adresser un message en optant pour des Jeux Olympiques « verts ». L’Espagne a aussi pâti de son manque d’engagement dans la lutte anti-dopage.

Retrouvez l’entretien dans son intégralité sur l’Observatoire géostratégique du sport de l’IRIS.
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