ANALYSES

Syrie : une intervention armée imminente ?

Interview
27 août 2013
Le point de vue de Pascal Boniface
Sommes-nous à la veille d’une intervention armée ?

Les déclarations convergentes des dirigeants occidentaux, les annonces américaines, ainsi que la place que prend ce débat dans les médias, montrent que nous sommes effectivement à la veille d’une intervention militaire puisqu’elle est jugée nécessaire par ses responsables, lesquels estiment indéniable l’usage d’armes chimiques par Bachar Al-Assad. Il semble donc manifeste que le climat actuel annonce une intervention armée. D’ailleurs, si rien n’était fait après toutes ces déclarations, les pays occidentaux et leurs dirigeants perdraient toute crédibilité. Ils se sont donc eux-mêmes placés en position de mener une action, brûlant en quelque sorte leurs vaisseaux au travers de déclarations aussi martiales. Nous pouvons donc penser, sauf changement radical d’attitude de Bachar Al-Assad ou des Russes, que nous nous trouvons à la veille d’une intervention militaire.

Quelle forme cette intervention pourrait-elle prendre ?

Il n’est évidemment pas question d’une intervention massive, terrestre, comme ce fût le cas en Irak (dont l’action avait d’ailleurs été précédée par des opérations aériennes). Il n’est pas non plus question d’une intervention aérienne comme ce fût le cas en Libye, laquelle, il faut le rappeler a duré 7 mois entre le début de l’opération militaire franco-britannique soutenue par les Américains contre Kadhafi et le renversement de celui-ci. On sait quand on commence une guerre, on ne sait pas quand on la termine.
L’option envisagée aujourd’hui repose plutôt dans des frappes à partir de missiles tirés à distance, ou peut-être même des frappes aériennes. Mais là encore, il y a une difficulté dans la mesure où la défense aérienne de Bachar Al-Assad est manifestement plus puissante que ne l’était celle de Kadhafi. Ainsi, l’hypothèse de tir sélectif à partir de positions aux alentours de la Syrie paraît la plus probable.
Toutefois, une interrogation demeure : une fois cette intervention menée, que se passera-t-il ? Certes, ces frappes peuvent affaiblir le dispositif militaire de Bachar Al-Assad, mais elles ne le renverseront pas, ce qui ne sera donc pas suffisant.

Quel est l’impact des précédents libyens et irakiens sur la légitimité de cette probable intervention ?

Les Occidentaux affirment avoir des preuves indéniables de l’usage d’armes chimiques par le régime de Damas. Mais Barack Obama parlait lui-même d’un climat de ressentiment dans la région à l’égard des Américains, et ce, dans la mesure où, à de nombreuses occasions, les Américains ont menti. Chacun garde en mémoire le précédent de 2003 où nous étions censés trouver des armes de destructions massives en Irak, lesquelles ne l’ont jamais été parce qu’elles n’existaient pas. A cet égard, il y a donc, dans une partie de l’opinion, un fort scepticisme. Par conséquent, si ces preuves indéniables sont avérées, il est de bonne politique de les montrer de manière incontestable. Cette intervention sera quoiqu’il en soit critiquée. Mais elle le sera moins si elle se déroule dans une certaine transparence au vu des précédents historiques.
Il convient également de rappeler que si la Russie bloque la situation, c’est qu’en Libye nous avons changé l’objectif même de la mission en cours de route. Partis avec avec un feu vert tacite des Russes – puisqu’ils s’étaient abstenus sur le fait de protéger la population -, nous avons transformé la mission pour aller au changement de régime. Et les Syriens paient aujourd’hui le prix de ce qui s’est passé en Libye il y a deux ans.
Donc si ces preuves indéniables existent, il s’agit de les révéler, ne serait-ce qu’aux Russes pour éventuellement ébranler leur position, ainsi qu’aux opinions publiques, ce qui contribuerait à rendre plus légitime cette intervention militaire. Surtout si, comme il en est question, elle se déroule en dehors du cadre légal du Conseil de sécurité.
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