ANALYSES

Négociations en Colombie : un nouvel espoir ?

Interview
28 mai 2013
Le point de vue de Jean-Jacques Kourliandsky
Le gouvernement colombien et les Farc sont parvenus à trouver un terrain d’entente au sujet de la question agraire. En quoi est-ce important pour la Colombie ?

Le conflit de Colombie a été en large mesure lié à la problématique de la terre. Il y a eu ce qu’on a appelé une réforme agraire « à l’envers », que ce soit par le fait des combats avec les guérillas ou, surtout, avec les paramilitaires. Le conflit a consisté à déplacer des centaines de milliers de personnes et à provoquer un changement de propriété de la terre. Par conséquent, la recherche d’une solution de paix en Colombie passe en particulier par un compromis sur cette question, et par la restitution de la terre à ceux qui ont été spoliés, à savoir les petits paysans et agriculteurs qui se retrouvent aujourd’hui pour la plupart dans les bidonvilles de la périphérie des grandes villes colombiennes.
Il y a eu une loi votée sur la question par le parlement colombien après l’élection du président Santos mais elle a eu beaucoup de mal à être mise en application. On peut donc penser – sous réserve de pouvoir examiner l’accord en détails – que les garanties demandées par les négociateurs des Farc ont pu être présentées par les autorités colombiennes permettant cette restitution des terres. Pour la plupart des cas, elles sont passées aux mains de personnes qui disposent d’armes, et qui sont ainsi capables d’empêcher que les légitimités propriétaires puissent recouvrer la propriété qui était la leur. On peut envisager que le gouvernement ait donné les engagements nécessaires aux Farc afin que les légitimes propriétaires puissent récupérer leurs terres de manière effective.

En dehors de la question de l’accord trouvé, comment se déroulent les négociations qui se tiennent à La Havane depuis novembre 2012 ?

Ce sont des conversations qui sont longues, et cela est normal puisqu’il y a eu déjà plusieurs tentatives par le passé qui ont laissé un souvenir amer en n’aboutissant pas. Au contraire, elles se sont même achevées par une recrudescence des affrontements armés. Il est donc normal que ces conversations se prolongent, et c’est même plutôt bon signe dans la mesure où il y a une méfiance réciproque et qu’il faut rétablir un climat de confiance. Il ne faut pas oublier que les dernières grandes négociations, en 2002, avaient laissé une certaine amertume du côté des autorités de l’époque dans la mesure où les FARC avaient utilisé ces négociations pour se renforcer dans une zone démilitarisée qui avait été créée pour faciliter la négociation et non pour permettre le renforcement de l’une des parties. Au contraire, les négociations qui avaient eu lieu au milieu des années 80 s’étaient achevées par le massacre des militants et combattants des FARC qui avaient voulu passer à la vie civile en se présentant aux élections, tous ayant été assassinés. On imagine donc que dans un contexte comme celui-là, pour rétablir la confiance, des consignes de sécurité ont été données aux négociateurs afin d’avoir l’assurance que ce qui a été négocié puisse être appliqué de manière effective.

Sur le terrain, quelle est la réalité actuelle de la Colombie ? Les violences et les enlèvements font-ils toujours partie du quotidien de la population ?

La particularité de ces négociations – en raison des échecs des tentatives passées – est qu’elles se déroulent au milieu d’une situation de guerre. Il n’y a effectivement pas eu de suspension des combats, si ce n’est unilatéralement de la part des Farc et limitée à quelques semaines seulement en fin d’année 2012. Le gouvernement, l’armée et la police colombienne continuent leurs opérations et les FARC poursuivent aussi à mener leur combat de guérilla. Ces négociations refusent donc d’anticiper la paix avant d’avoir un compromis effectif entre les uns et les autres.