ANALYSES

Tunisie : tout faire pour éviter la violence

Interview
7 février 2013
Le point de vue de Kader Abderrahim
Chokri Belaïd vient d’être assassiné. Que représentait-il pour la société tunisienne ?

Chokri Belaïd, figure de l’opposition, incarnait un mouvement assez radical, notamment vis-à-vis du Mouvement Ennahda. Mais il était en même temps une figure très populaire. C’était un homme extrêmement apprécié parmi les couches les plus défavorisées de la population. Je crois que c’est à la fois sa radicalité et en même temps sa grande intégrité morale et politique qui a fait de lui un personnage aussi populaire. Par ailleurs, c’est la première fois qu’un assassinat d’une personnalité aussi importante est commis aujourd’hui en Tunisie et c’est ce qui inquiète la population.

Quel bilan peut-on tirer de la révolution tunisienne au jour d’aujourd’hui ?
Le bilan nous le ferons quand la démocratie sera installée et quand les institutions démocratiques seront renforcées. Deuxièmement, je crois que ce qui importe pour la Tunisie, c’est absolument d’éviter de basculer dans une violence généralisée dans laquelle s’affronterait une partie de la Tunisie contre l’autre. Il serait dramatique et terrible d’assister à ce genre de déchirement. Il faut donc que tous ceux dont la parole et la voix portent participent au débat pour éviter les dérapages et les provocations.


Le gouvernement, et en particulier Ennahda, le parti majoritaire, répond-il aux attentes de la population ?
Le gouvernement tunisien est composé par une Troïka dont Ennahda est le parti majoritaire. On parle d’ailleurs depuis plusieurs semaines de remaniements ministériels, confirmés par l’annonce du gouvernement d’hier. Les choses ne sont pas simples, Ennahda n’arrive pas à s’imposer. Il faut donc discuter, négocier et composer. Tout le monde est en train de faire l’apprentissage de la démocratie et ce n’est pas chose facile. Même si il y a des mécontentements contre Ennahda, ils doivent être exprimés et cela continuera parce que c’est parfaitement légitime. Cependant, il y a aussi une partie de la population qui a voté pour ce parti et il ne faut pas l’oublier. Même si il y a du mécontentement, nous verrons in fine, si les élections en 2013 ont bien lieu, et si Ennahda reste un parti majoritaire et un parti composant le gouvernement ou s’il est renvoyé dans l’opposition. La parole sera de toutes les façons aux citoyens tunisiens. Le mécontentement aujourd’hui doit pouvoir être exprimé mais il doit être canalisé à tout prix pour éviter la violence.

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