ANALYSES

Conférence de Doha : quel bilan et quelles suites ?

Interview
10 décembre 2012
Le point de vue de Bastien Alex
Comme prévu, la Conférence de Doha n’a eu que peu de résultats. Quelles satisfactions et quels regrets en tirer ?

On ne peut tirer énormément de satisfaction, si ce n’est le fait que certains pays – L’Union européenne, l’Australie, la Norvège, plus quelques petits Etats comme Monaco, le Liechtenstein – aient confirmé leur réengagement. On reste, comme prévu, dans une configuration où seuls les pays responsables de 15% des émissions de gaz à effet de serre restent dans la partie. C’est une première satisfaction bien mince.
La seconde satisfaction porte sur la question des crédits carbone non utilisés détenus par la Russie, l’Ukraine et la Pologne évalués à environ 13 milliards de tonnes et issus de la première phase de Kyoto. Il persistait une inquiétude de la part des petits Etats insulaires et des pays les moins avancés concernant la vente de ces quotas d’« air chaud », qui aurait bénéficié à ces trois pays. Mais l’Union européenne et quelques autres se sont engagés à ne pas en acheter. Globalement, cela signifie qu’il ne devrait y avoir que peu de répercussions du fait du maintien de ces quotas : ils n’ont pas été supprimé par l’accord signé samedi, mais les principaux pays qui pouvaient être intéressés par leur achat ne passeront pas à l’acte. C’est peut-être la plus grande satisfaction de la conférence.
Les regrets, eux, sont légions mais le principal, c’est l’absence d’avancée quelconque sur la question des financements attendus par les pays en développement. Il persiste également ce désaccord de fond et une volonté de ne pas s’engager de la part des pays émergents qui attendent l’échéance de 2015. Dans le même temps, les pays développés ne souhaitent pas se prononcer sur des montants de financement qui restent pour l’instant de l’ordre de l’hypothétique.

Où en sont les investissements pour aider les pays du Sud, les Etats du Nord étant invités lors de la conférence climat de 2013 à Varsovie à présenter « les informations sur leurs stratégies pour mobiliser des fonds afin d’arriver à 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 » ?

Il n’y a donc pas de réelle avancée : la perspective de la conférence de 2015 empêche un accord en 2012 sur ce sujet. Personne ne souhaite s’engager sur des montants aujourd’hui, certainement dans le but de les renégocier à la baisse d’ici 2015. La volonté des pays développés était justement de pas trancher la question des financements, de rester flou sur les montants et sur les engagements non-contraignants. L’idée de verser 60 milliards d’euros aux pays en développement sur la période 2010-2012 a été à peu près respectée. Pour ce qui est des fameux 100 milliards par an à partir de 2020, aucun engagement n’a été pris.
On ignore également quel sera le contexte en 2015. Actuellement, il n’est guère favorable à la prise de décisions impliquant des contraintes, politiques ou financières. La crise économique pèse lourd dans la balance, et ce malgré les récentes catastrophes naturelles. On a encore pu le constater avec la déclaration du négociateur philippin à la suite du passage du typhon Bopha qui a ravagé son pays. Si les mots ont pu émouvoir, ils n’ont pas pour autant pesé sur les négociations.

La portée de Kyoto 2 n’est-elle plus qu’uniquement symbolique si l’Europe et une quinzaine d’Etats sont les seuls adhérents ? Est-il enterré ?

Le processus n’est pas mort puisqu’il est reconduit, mais le fait est là : l’accord ne concerne plus qu’un petit nombre de pays, responsables de seulement 15% des émissions de gaz à effet de serre. A cela s’accompagne la confirmation de la sortie de la Russie, du Japon et du Canada. Les Etats-Unis, la Chine, le Brésil ou l’Inde n’ont pas manifesté de volonté de modifier leur position. Il n’y a pas eu de surprise sur ce plan-là puisque l’on savait à quoi s’attendre. D’ailleurs, le report de la diffusion des conclusions et le rallongement des négociations dans la nuit de vendredi à dimanche laissaient présager un scénario de ce type, indiquant que les discussions achoppaient sur de nombreux points.
A présent, il faut regarder l’échéance de 2015 avec un peu d’espoir même si cela me paraît extrêmement difficile.

L’objectif d’un accord contraignant pour tous les pays en 2015 a été réaffirmé, reprenant l’objectif de Kyoto, à savoir parvenir à limiter la hausse de la température à +2°C et devant concerner cette fois tous les pays. Quel est l’intérêt d’un tel accord ? Pourquoi donnerait-il des résultats quand Kyoto n’en donne pas ou peu ?

En 2011, 55 milliards de tonnes de CO2 ont été rejetées dans l’atmosphère. Pour respecter l’objectif d’une augmentation de 2°C d’ici à 2100, il aurait fallu descendre à 44 milliards. Nous sommes donc en retard, sachant que la capacité maximum d’absorption de la biosphère est déjà largement atteinte (13 milliards par an seulement).
L’ambition pour 2015 est de parvenir à un accord contraignant pour tout le monde, c’est-à-dire à un changement de statut des pays émergents qui sont considérés dans Kyoto 1 et 2 comme non-exposés à la contrainte. Ils doivent participer à l’effort, au partage du fardeau. Pour l’instant, on ne voit pas comment réussir à les faire changer de position, il va donc falloir trouver des leviers pour avancer dans cette négociation. Mais l’objectif demeure la participation de tous à l’effort de réduction.
Il est réellement impossible de se prononcer aujourd’hui sur l’efficacité du cadre qui sera mis en place lors de la conférence de 2015, que la France a d’ailleurs proposé d’accueillir.
Il faudra trouver des moyens de convaincre les pays émergents et les principaux pollueurs de s’engager. Ce moyen est pour l’instant inconnu, mais leur participation demeure la seule façon d’arriver à une action cohérente et effective en la matière si l’on veut limiter le réchauffement climatique et ses impacts.
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