ANALYSES

Sommet de l’Asem : quels enjeux pour l’Europe et pour la France en particulier ?

Interview
6 novembre 2012
Le point de vue de Olivier Guillard
Le thème de ce 9ème sommet de l’ASEM est « Amis pour la Paix, Partenaires pour la Prospérité ». Dans quelle mesure la crise de la zone euro a-t-elle affecté la confiance des pays asiatiques en l’Europe comme partenaire économique ?

Naturellement, la crise économique, financière, budgétaire affligeant ces dernières années la zone euro au sens large et mettant à genou en particulier certaines capitales budgétairement exsangues (Athènes, Madrid, Lisbonne, etc.) n’a guère échappé à la dynamique région Asie-Pacifique, un partenaire économique majeur du « Vieux Monde », un de ses tous principaux relais de croissance également.
Si la majorité des nations asiatiques ne souffrent pas la même atonie économique que connaît l’Europe, portées par un élan de développement lourd et constant, certaines (et non des moindres) voient aujourd’hui leurs prouesses se tasser quelque peu, à l’instar de l’Inde et de la Chine, 1ère et 3ème économies de la zone Asie, 1ère et 2ème démographies mondiales, touchées en 2012 par un ralentissement économique perceptible interprété avec circonspection à Pékin comme à New Delhi. Contingences domestiques et effets collatéraux de la petite santé , de la fébrilité des marchés européens et nord-américains – parmi les tous premiers clients des locomotives asiatiques -, ces économies émergentes reçoivent également les ondes de choc d’un marasme économique et financier international, héritage de la mondialisation et des interactions sans cesse croissantes entre le monde occidental et l’Asie-Pacifique.
Cette région, de plus en plus centrale et cruciale pour l’économie mondiale, s’émeut il est vrai des sérieux tourments rencontrés par divers partenaires européens, redoutant l’impact de ces maux sur leur propre situation comptable et commerciale, soumises elles aussi à des impératifs de dynamisme sous peine de ralentissement et d’incertitudes diverses et variées. De là cependant à considérer que la zone euro, toute affaiblie soit-elle par ses péripéties comptables et budgétaires, ne constitue plus un pôle d’intérêt fort pour nos partenaires asiatiques, il y a évidemment fort loin.

En se rendant en Afrique, François Hollande a voulu marquer le début d’une nouvelle ère pour les relations entre notre pays et le continent. Peut-on en dire autant concernant les relations entre la France et les pays asiatiques ?

La France, pays généralement admiré et respecté en Asie de Kaboul à Tokyo, profite d’un capital de sympathie et de crédit indiscutable dans cette vaste et disparate région du globe. Paris n’a pas pléthore de différends, de contentieux, avec des capitales régionales. La politique française, vue depuis Pékin, Jakarta, Bangkok, Naypyitaw, Ventiane ou Manille, rime la plupart du temps avec indépendance, liberté de parole, respect des droits et des libertés, hauteur de vue. Cependant, ces dernières années, à la grande surprise – déception serait plus juste – de nos partenaires asiatiques, la voix de la France, sa présence, son activité et influence, se sont faites plus discrètes, presque anonymes et anodines, rattrapées et souvent dépassées par un flux d’autres acteurs déterminés (européens, mais également latino-américains, moyen-orientaux) n’hésitant pas à se frayer un chemin vers ce nouvel épicentre du dynamisme et de l’économie mondiale, vers ce précieux relais de croissance à nul autre pareil aujourd’hui et pour les années à venir.
Dans une situation socio-économique tendue, avec quelques incertitudes pesant sur sa stabilité budgétaire et dans un contexte d’authentique atonie économique, la France ne peut plus faire l’impasse sur le renforcement de ses liens avec la prometteuse Asie-Pacifique et ses marchés solvables, ces clients à la trésorerie solide et à la demande exponentielle, donc sur le renouveau de sa politique asiatique. Le partenariat stratégique signé mi-octobre avec Singapour, le déplacement récent du Premier ministre à Manille (19-21 octobre), enfin, la présence du chef de l’Etat français lors du Sommet de l’Asem à Ventiane (Laos) peuvent en grande partie être vus en ce sens.

Quelles avancées peut-on attendre d’un tel sommet entre chefs d’Etats européens et asiatiques ? Le partenariat Europe/Asie peut-il réellement en sortir renforcé ?
Ce rituel institutionnel européo-asiatique n’a pas vocation à bouleverser la donne des rapports entre les deux continents ni influer significativement sur les équilibres internationaux. A dire vrai, l’idée n’a effleuré personne… Comme pour nombre de ses « cousines », on ne saurait attendre de cette grande messe qu’elle débouche comme par enchantement sur un chapitre totalement nouveau, pétri de résultats et de dividendes quasi-immédiats. Là n’était pas son objet.
En revanche, en ces périodes de difficultés économiques, budgétaires, on ne peut négliger l’apport d’un tel mécanisme collégial rassurant, soudant, dynamisant les partenaires, mutualisant défis, difficultés, moyens et promesses. Les dirigeants européens auront tenté de rassurer leurs homologues asiatiques, leur auront expliqué que les tourments sont globalement sous contrôle et que le gros de leurs ennuis comptables est derrière eux (ce, même s’il en demeure encore de significatifs), que les implications extérieures de cette situation fâcheuse ne devraient pas être trop impactantes pour les économies asiatiques, elles aussi dans la nécessité de maintenir un dynamisme, un élan, sous peine d’en ressentir des conséquences internes déstabilisantes (Chine, Inde, Vietnam).
En toutes hypothèses, ce sommet de Ventiane, ses discussions multiples, ses interactions nombreuses et nécessaires ne sauraient avoir nui à ce partenariat Europe – Asie indispensable, précieuse cheville ouvrière des efforts de la « vieille Europe » pour traverser les décennies à venir, affronter ses enjeux, trouver des réponses pérennes et séduisantes.

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