ANALYSES

Quels sont les enjeux du scrutin qui vient de se dérouler à Taïwan ?

Interview
17 janvier 2012
Le point de vue de Barthélémy Courmont
Les enjeux de cette élection concernent certes en premier lieu la politique intérieure de Taïwan, mais peut-être aussi et surtout la politique internationale, de par la relation que Taïwan entretient avec Pékin, une relation qui s’est considérablement améliorée sous la présidence de Ma Ying-jeou, qui vient d’être réélu.

Le président Ma est donc porté pour un second mandat, qui devrait a priori lui permettre de pousser plus en avant les initiatives en vue de construire un environnement économique et commercial dans un premier temps, mais pourquoi pas plus politique dans un second, dans une dynamique de rapprochement avec la Chine continentale. Pour cette raison, l’on peut considérer, et on l’a souvent fait, Ma Ying-jeou comme le « candidat de Pékin », car souhaité, voire soutenu par la capitale chinoise dans cette élection. Il est d’une certaine manière également le « candidat de Washington », les États-Unis craignant une détérioration de la relation entre Taipei et Pékin dans le cas d’une victoire de Tsai Ing-wen, son opposante dans le cadre de cette élection, présidente du parti DPP jusqu’à sa démission il y a deux jours. Je dirais que les résultats de cette élection ravissent tous les grands acteurs de la question taïwanaise et du différend que Taipei entretient avec Pékin.

Cette élection représente donc au niveau international un enjeu de taille pour Taïwan. Quand Ma Ying-jeou est arrivé au pouvoir en 2008, il avait essentiellement axé sa campagne sur un véritable projet de relance de l’économie (l’économie taïwanaise avait connu quelques difficultés au début des années 2000, tout comme d’ailleurs d’autres pays de la région, à l’instar du Japon ou encore de la Corée du Sud), et Ma Ying-jeou misait sur ce rapprochement avec la Chine continentale, sur la mise en place de ce que l’on pourrait qualifier « d’interdépendance économique » entre les deux entités, pour gonfler cette dernière. Il a effectivement obtenu des résultats relativement positifs, mais qui ont pendant la campagne fait ressurgir chez une partie des Taïwanais la crainte de voir une trop grande dépendance s’instaurer à l’égard de la Chine. Sa rivale à l’élection a aussi fait état d’écarts de richesse qui se seraient creusés pendant sa présidence.

Il y a donc eu une dimension sociale, peu perçue à l’extérieure, mais néanmoins bien présente à cette élection. La réélection de Ma Ying-jeou a été relativement serrée, puisqu’il l’a emportée avec 51,6% des voix, résultat extrêmement modeste en comparaison des 57% ou 58% des suffrages qu’il avait reçus à l’aube de son premier mandat. Ce resserrement montre bien qu’il existe une véritable exigence, une attente de la part de l’opinion publique taïwanaise, dont il devra tenir compte.

Deux leçons sont donc à retenir de ce scrutin : l’une est extrêmement positive, au niveau international, qui concerne la relation de Taïwan avec la Chine, puisque la réélection de Ma donne un répit de quatre ans dans le conflit qui oppose les deux parties, pendant lesquels un certain apaisement va s’opérer et de nouveaux liens se créer. L’autre dimension est intérieure, et ne devra en aucun cas être négligée.
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