ANALYSES

Quelles sont les conséquences en Côte d’Ivoire de la prochaine comparution de L. Gbagbo devant la CPI, à quelques jours des élections législatives ? Peut-on s’attendre à un regain de tensions dans le pays ?

Interview
2 décembre 2011
Il est certain que la comparution de Laurent Gbagbo devant la Cour Pénale Internationale (CPI) ne va pas apaiser le climat. Il faut avant tout noter que le parti de l’ancien président ivoirien, le Front populaire ivoirien (FPI), ne s’est pas présenté aux élections législatives, tant sa déroute ne faisait aucun doute. Le FPI s’est également retiré de la Commission de réconciliation, présidée par Charles Konan Banny. Ce climat laisse donc craindre un regain de tensions à l’approche des élections législatives.

Ceci étant, il importe de comprendre qu’au-delà des élections, c’est le processus même de réconciliation en Côte d’Ivoire qui est en cause. Et pourtant, il est fondamental que cette réconciliation ait lieu, et c’est la raison pour laquelle cette commission a été créée. Or, celle-ci fonctionne très peu et très mal : elle a été créée en septembre, mais n’a apporté aucune avancée, ce qui contribue à échauffer les esprits.

Le clan Gbagbo, ou du moins certains de ses responsables, considère encore que celui-ci avait gagné les élections et que la France a élaboré un complot pour le destituer. Or, s’il est évident que Ouattara a bel et bien gagné les élections, le fait qu’il ait conquis le pouvoir par les armes des forces républicaines et l’appui de l’ONUCI et de la Licorne contribuent d’alimenter la suspicion.

Il est évident que cette comparution de Gbagbo à la Cour Pénale internationale de La Haye pose au moins deux problèmes : d’abord, pour un certain nombre d’Africains, cet organe des Nations unies n’est pas légitime, puisqu’il condamne plus d’Africains que d’Occidentaux. D’autre part, beaucoup considèrent que cette décision est injuste, puisque jusqu’à présent aucune sanction n’a été apposée aux forces dirigées par le Premier ministre Guillaume Soro, les « forces nouvelles », devenues « forces républicaines », alors même qu’elles ont commis énormément d’exactions entre novembre 2010 et avril 2011, c’est-à-dire durant la période post-électorale qui s’est traduit par le départ in fine de Laurent Gbagbo, mais aussi depuis 2002.

Un des enjeux majeurs du procès de Laurent Gbagbo est donc que cette justice n’apparaisse pas comme une « justice des vainqueurs », mais qu’il y ait véritablement de part et d’autre des sanctions vis-à-vis des exactions, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis.