ANALYSES

L’accord trouvé hier au sommet de Bruxelles pourra-t-il sauver l’Euro ?

Interview
27 octobre 2011
On espère tous que l’accord trouvé hier pourra sauver l’Euro. La première réaction des marchés financiers a en tout cas été positive.

Cet accord comporte trois volets principaux : le premier consiste en la recapitalisation des banques, auquel on demande de ramener le ratio de core tiers 1 (fonds propres durs) à 9% ; le deuxième concerne la demande faite aux établissement bancaires d’accepter une décote pouvant aller jusqu’à 50% de la valeur de la dette grecque dont ils disposaient (perte compensée néanmoins partiellement par la perspective de voir le Fonds européen de stabilité financière -FESF- ou les Etats membres participer à la recapitalisation en cas de besoin) ; le dernier volet, peut-être le plus important, est celui du renforcement de ce FESF, sachant que pour contourner le refus allemand d’augmenter leur participation à ce fonds, la méthode de l’effet levier a été appliquée. Cela signifie que l’argent présent dans ce fonds (qui représente 250 milliards d’euros une fois enlevées les garanties déjà données au Portugal, à l’Irlande, et à la Grèce) sera utilisé pour être multiplié, à travers l’effet levier, sur les marchés financiers.

Comment cette « multiplication de l’argent » est-elle possible ? Le FESF va garantir les nouvelles émissions des titres de la dette des États en difficulté à hauteur de 20 à 25%. Cela signifie que les particuliers ou les banques qui achèteront à partir d’aujourd’hui des titres de la dette des Etats en difficultés « garantis » par le FESF, sauront que 20 ou 25% de leur valeur faciale sont garantis. En schématisant, cela veut dire que l’argent du FESF va pouvoir garantir des volumes d’émissions 4 ou 5 fois plus importants (selon le pourcentage, 20 ou 25%, retenu). De plus, une société véhicule sera créée, qui sera en quelque sorte chargée de ramasser les financements internationaux : en utilisant la garantie des États du FESF, notés AAA par les agences de notation, l’on va essayer de collecter des financements de fonds souverains des pays BRICS par exemple, qui participeraient ainsi au refinancement d’une partie de la dette souveraine européenne.

Après cette explication complexe, je dois dire que je demeure personnellement sceptique quant à la possibilité d’une solution « miracle » de la crise de la dette. Je pense que dans quelques jours chacun s’apercevra que celle-ci n’est pas finie. Les Etats n’apportent pas aux marchés les réponses aux questions posées. La crédibilité des acteurs politiques de l’UE-27 n’est pas restaurée. Pour éviter une plus grande exposition de l’Allemagne, les mêmes instruments utilisés par le monde de la finance, et tant décriés par les 27 (tel que l’effet levier pour multiplier de l’argent qui en réalité n’existe) ont été utilisés. L’inquiétude liée à la propagation de la crise à l’Italie persiste, celle-ci étant liée à la personne de Silvio Berlusconi. Il importe de comprendre que la crise italienne est une crise de confiance politique, beaucoup plus que économique.
D’autre part, la question fondamentale posée par les marchés, à savoir comment peut fonctionner une monnaie sans gouvernement politique qui la régit, reste sans réponse. Les marchés savent très bien qu’ils peuvent spéculer contre l’Europe sans avoir à craindre de réaction rapide de la part de celle-ci, parce qu’elle est composée de vingt-sept chefs d’État et de gouvernement aux intérêts différents, qui doivent se mettre d’accord sur chaque point avant de réagir. Il y a donc un décalage entre le temps de la finance qui est très rapide, et celui du politique qui est très long. C’est ce qui nous met en première ligne face aux marchés financiers, à la différence des États-Unis ou du Japon, qui ont pourtant des fondamentaux économiques bien plus mauvais que ceux des Européens.

Une réforme des traités européens afin d’instaurer un véritable fédéralisme budgétaire pourrait être la réponse tant attendue des marchés. Mais les opinions publiques et les élites des vingt-sept États membres sont-ils prêts à engager une nouvelle réforme ? Auront-ils le courage politique qui tend à manquer tout au long de cette crise ? Tout cela me fait dire que la crise devrait durer un certain temps encore…