ANALYSES

Genève II commence mal

Tribune
21 janvier 2014
Dans cette rivalité, et malgré les sanctions et son isolement sur le plan international et surtout occidental, l’Iran a plusieurs longueurs d’avance sur l’Arabie saoudite. L’Iran a des attributs réels de puissance que son rival n’a pas. L’Arabie saoudite joue un rôle de trublion, notamment grâce aux fonds financier dont il dispose de par ses revenus pétroliers, depuis le début des années 1980, en réaction à la révolution chiite iranienne. Ce rôle a été favorisé par la guerre en Afghanistan qui a permis à l’Arabie saoudite d’obtenir une influence considérable auprès des moudjahidines afghans et en finançant très généreusement des mosquées et des mouvements sunnites de type djihadistes et wahhabites. Alors que l’Iran, pays avec une culture et une civilisation plusieurs fois millénaire, a une réelle influence culturelle et religieuse dans la quasi-totalité des pays de la région.


La Syrie cristallise aujourd’hui à merveille cette rivalité. En soutenant l’opposition syrienne et en l’armant avec la bienveillance des pays occidentaux, les mouvements les plus radicaux liés à Al-Qaïda tels que le Front Al-Nosra (majoritairement composé de Syriens) ou l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL – la branche irakienne d’Al-Qaïda) ont été renforcés, commettant des exactions ouvertement anti-chiites. Ils luttent ainsi contre le pouvoir chiite en Iran et le pouvoir alaouite en Syrie. Aujourd’hui, les affrontements entre les différentes composantes de l’opposition syrienne dans le Nord de la Syrie ont fait en trois semaines près de 1000 morts. Ce qui a eu pour conséquence de rendre l’opposition affaiblie, divisée, tenue à bout de bras par ses soutiens étrangers.


Dans cette situation, l’Iran montre de plus en plus son intransigeance et continue à soutenir le régime syrien, son allié depuis plus de 30 ans. L’Iran, bien plus que la Russie qui a également des intérêts évidents en Syrie, est en réalité la véritable puissance avec qui il faut discuter si on cherche une solution politique en Syrie, y compris pour une mise à l’écart de Bachar Al-Assad. C’est la raison pour laquelle, après plusieurs semaines de réflexion et de consultation, Ban Ki-Moon, le Secrétaire Général de l’ONU, a invité officiellement l’Iran à la conférence de Genève II qui s’ouvre ce mercredi 22 janvier. La présence de l’Iran est plus importante que celle du Mexique ou de la Corée. Cependant l’Iran avait déclaré avant même que le Secrétaire Général envoie son invitation qu’il ne participerait à cette réunion que sous certaines conditions. En effet, les Etats-Unis et ses alliés occidentaux voulaient que l’Iran accepte la résolution de Genève I, ce que l’Iran refusait. L’invitation de l’Iran a soulevé la protestation de l’Arabie saoudite et l’opposition syrienne a menacé de boycotter la conférence. Finalement, Ban Ki-Moon a dû annuler son invitation.


Résultat : un grand gâchis. L’ONU sort plus affaiblie que jamais. La conférence, en l’absence de l’Iran, risque d’adopter des résolutions sans lendemain, surtout que la Syrie a également annoncé qu’elle n’accepterait pas un gouvernement de transition auquel des terroristes de l’opposition seraient conviés. Bachar Al-Assad a, en outre, annoncé par avance qu’il ne quitterait pas le pouvoir. Que peut-on attendre dans ces conditions de Genève II ? La conférence pourrait au maximum permettre la mise en place de mesures relatives à « l’accès à l’aide humanitaire, un mode de traitement des détenus qui respecte les droits humains, la réforme du secteur de la sécurité et la cessation de l’utilisation illégale d’armes », comme l’a formulé Human Rights Watch.

Tout cela reste bien éloigné de l’objectif initial qui consistait à créer un gouvernement de transition sans Bachar Al-Assad…


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