ANALYSES

Taiwan : le temps des partenariats économiques et commerciaux

Tribune
13 novembre 2013
Le 10 juillet, Taiwan signait un accord économique avec la Nouvelle-Zélande après un peu plus d’un an de négociations, baptisé ANZTEC (Partenariat économique entre la Nouvelle-Zélande et les territoires douaniers de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu). C’est la première fois, si on fait évidemment exception de l’ECFA, que Taiwan conclut un accord économique avec un pays avec lequel il n’entretient pas de relations diplomatiques. C’est également le premier accord de ce type que Taiwan signe avec un Etat membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’accord va éliminer jusqu’à 50% des barrières tarifaires pesant sur les exportations, un niveau qui sera amené à 100% d’ici 2017 pour la plupart des produits. Plusieurs accords plus spécifiques ont été signés depuis entre les deux pays, et si la portée de l’ANZTEC reste modeste, Taiwan étant le douzième partenaire commercial de la Nouvelle-Zélande et cette dernière n’étant classée que quarantième partenaire commercial de Taiwan, cette initiative fut considérée comme une étape historique dans la signature d’accords de libre-échange avec d’autres pays.

Le 7 novembre, c’était au tour de Singapour de signer avec Taiwan un accord de coopération économique ambitieux, et surtout plus conséquent, compte-tenu de l’importance des liens économiques et commerciaux entre les deux pays. Singapour est en effet le cinquième partenaire commercial de Taiwan, et son quatrième marché à l’exportation. Baptisé ASTEP (Partenariat économique entre Singapour et les territoires douaniers de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu), cet accord devrait également à terme permettre d’accélérer l’intégration régionale de l’économie taiwanaise.

Le ministre taiwanais de l’Economie, Chang Chia-juch (張家祝), s’est montré particulièrement enthousiaste à l’issue de cette signature, qu’il a décrite comme « une étape décisive dans la progression de Taiwan vers la libéralisation économique ». Il se réjouit également des effets de cet accord pour l’économie insulaire. Selon des études menées par l’Institut de recherche économique Chung-hua (CIER), l’ASTEP devrait ainsi entraîner une augmentation du produit intérieur brut de Taiwan de l’ordre de 700 millions de dollars américains, le produit national brut augmentant de 1,4 milliard de dollars américains. Le ministère s’attend en outre à la création de plus de 6 000 emplois dans les 15 ans pendant lesquels l’ASTEP sera progressivement mis en œuvre. Enfin et surtout, cet accord est perçu comme une première étape vers une coopération économique et commerciale élargie aux autres pays de l’ASEAN. Le CIER a ainsi organisé fin octobre un colloque portant sur l’établissement de relations économiques et commerciales approfondies en Asie-Pacifique. Au cours de cette rencontre, experts taiwanais et sud-est asiatiques se sont accordés sur la nécessité de futurs partenariats, Taiwan étant l’un des premiers investisseurs dans la région. Kristy Hsu (徐遵慈), directrice du centre sur les études ASEAN-Taiwan au CIER, a notamment introduit l’idée que le secteur des services peut représenter une base de départ pour renforcer une telle coopération, démontrant une volonté très nette d’élargir et d’institutionnaliser la coopération.

Les pays membres de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) se montrent de leur côté dans l’ensemble favorables à une implication plus forte de Taiwan dans les zones de libre-échange régionales, et le vice-président taiwanais Vincent Siew (蕭萬長) s’est ainsi rendu au sommet de Bali en octobre, accompagné d’une délégation composée d’experts économiques, de hauts fonctionnaires des ministères des Affaires étrangères, de l’Economie ainsi que de la Planification et du Développement économiques. Le ministre des Affaires continentales, Wang Yu-chi [王郁琦], était également du voyage, une première dans l’histoire de la participation taiwanaise à l’APEC, cette présence étant justifiée par les rencontres avec la délégation chinoise en marge du sommet. A Surabaya (Java) dans le même temps, Chang Chia-juch a abordé dans le cadre d’une réunion regroupant les ministres de l’économie de l’APEC la participation de Taiwan au Partenariat économique régional intégral (en anglais Regional Comprehensive Economic Partnership RCEP), un bloc économique en gestation dans la région, ainsi qu’au Partenariat Transpacifique, un accord pour le moment signé par le Chili, la Nouvelle-Zélande, Singapour, Brunei et négocié par huit autres Etats, dont les Etats-Unis, le Japon, le Canada et l’Australie. De manière très nette, Taiwan cherche ainsi à s’arrimer aux négociations économiques et commerciales actuellement en cours en Asie-Pacifique.

Dans un récent entretien diffusé sur la chaîne Euronews , enfin, le président taiwanais Ma Ying-jiou (馬英九) a plaidé en faveur de négociations en vue de signer un accord de libre-échange avec l’Union européenne, prenant exemple sur la Corée du Sud (accord avec l’UE entré en vigueur en 2011) et le Japon (négociations en cours). Une initiative sur laquelle nous aurons à n’en pas douter l’occasion de revenir en détail dans une chronique future, et qui concrétise la volonté de Taipei de multiplier les accords.

Cet article est publié en partenariat avec la revue ‘Monde chinois, nouvelle Asie’. Thème du dernier numéro ‘Corée, soixante ans de division’.







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