ANALYSES

Présidence de l’ASEAN, un nouveau défi pour la Birmanie

Tribune
16 octobre 2013
Par Jeanne Perrin, journaliste, diplômée de l’IRIS sup
C’est dans ce cadre ambitieux que la Birmanie a pris la présidence de l’ASEAN le 10 octobre dernier (2). Une grande première pour ce pays, sorti il y a plus de deux ans d’un demi-siècle de dictature militaire, et à qui on avait dû refuser cette même présidence en 2006, sous la pression de la communauté internationale. Pour Wunna Maung Lwin, le chef de la diplomatie birmane, le pays s’apprête depuis longtemps à assumer cette fonction (3) ; pour le Secrétaire général des Nations-Unies, il s’agit là d’une « bonne opportunité » pour la Birmanie de consolider ses progrès économiques et de confirmer sa transition démocratique.

Reste que si la présidence de l’ASEAN confère à Naypyidaw un statut régional et international d’envergure, on peut se demander dans quelle mesure le pays assumera cette responsabilité, quand il a déjà tant à faire à l’intérieur de ses frontières : pénuries d’électricité, insuffisances des infrastructures, violences interethniques. Symboliquement, la présidence de l’association vient couronner les progrès instaurés par le gouvernement de Thein Sein : libération de prisonniers politiques, ouverture du pays, organisation d’élections législatives qui ont donné à Aung San Suu Kyi une place au parlement. Mais la Birmanie sera-t-elle à la hauteur de sa nouvelle fonction ?

Le challenge est d’autant plus grand que Naypyidaw sera la ville organisatrice des 27ème Jeux d’Asie du sud-est, les Southeast Asian Games , du 11 au 22 décembre 2013. Cette compétition multisports bisannuelle n’a pas eu lieu sur le sol birman depuis 1969, et sera un défi de plus pour la nouvelle capitale birmane sortie de nulle part il y a seulement huit ans. A l’instar du Japon qui accueillit les jeux olympiques en 1964, marquant ainsi le retour de Tokyo sur la scène internationale après des années de guerre, l’organisation d’un événement sportif régional tel que les Southeast Asian Games marque pour la Birmanie son retour dans le concert des nations, après des années de dictature et d’embargo.

« Now is Myanmar’s time in the sun » pouvait-on entendre dans le film projeté en clôture de la cérémonie d’investiture de la présidence de l’ASEAN, ce 10 octobre 2013 : la Birmanie, terre de richesses et de ressources, étincelante de ses pagodes d’or, est présentée comme un petit paradis. Loin de cette image édulcorée, le pays devra faire face à ses limites et ses failles, et fournir un effort particulier dans l’aménagement de ses infrastructures pour être en mesure d’accueillir le 24ème sommet de l’ASEAN en 2014 (4).

*Jeanne Perrin, accompagnée de Nicolas Gomez, photographe, effectuera une enquête sur l’émergence des nouvelles figures artistiques en Birmanie du 5 au 27 novembre. Pour plus d’information : jeanne.perrin83@gmail.com

( 1) L’organisme fondé en 1967 regroupe dix pays de l’Asie du Sud-Est : les pays fondateurs (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande) ont été rejoints par Brunei (1984), le Vietnam (1995), le Laos et la Birmanie (1997) et le Cambodge (1999).
(2) L’ASEAN est composée d’une présidence tournante qui comprend le sommet des chefs d’État, des conférences ministérielles des États membres, un comité permanent qui se réunit tous les mois et des commissions spécialisées.
(3) Le ministre des Affaires Etrangères birman a déclaré en marge du Sommet : ‘It will not be a struggle for us.’ (Reuters, 10.10.2013)
(4) Naypyidaw s’y emploie déjà en construisant des hôtels (actuellement au nombre de 53) : la capitale birmane a aujourd’hui une capacité d’accueil de 4286 chambres, soit plus du double des chambres occupées à Brunei pendant le Sommet de l’ASEAN cette année.

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