ANALYSES

1973 en 2013

Tribune
30 septembre 2013
Quarante ans plus tard, certaines problématiques mondiales peuvent ainsi être lues et analysées au regard de phénomènes ou d’expériences de cette année 1973. 1973 peut à la fois servir de point de départ historique, l’une de ces dates-clés autour desquelles s’organisent traditionnellement l’écriture des relations internationales, mais également de motif pour interroger le présent.

Une profusion d’événements

Coup d’État au Chili le 11 septembre, accord de Paris le 27 janvier et fin de la guerre du Viêtnam, guerre du Kippour au Moyen-Orient le 6 octobre, suivi, comme une conséquence du conflit israélo-arabe, du premier choc pétrolier le 16 octobre, adhésion du Royaume-Uni à la Communauté économique européenne le 1er janvier, nouveau putsch en Grèce le 25 novembre, loi Giscard-Pompidou sur la banque de France et les enjeux de l’endettement public, édition en France pour la première fois de L’Archipel du Goulag d’Alexandre Soljenitsyne : tous ces événements [voir la cartographie de l’année 1973->http://www.iris-france.org/docs/kfm_docs/docs/1973/carte1973ris.jpg , qui font l’objet d’une contribution dans [le dernier numéro de La revue internationale et stratégique (n° 91), peuvent ainsi être traités dans leur résonance avec 2013. Qu’il s’agisse de la réalité des régimes politiquement autoritaires et économiquement libéraux, dont le Chili fut l’archétype, à la manière dont on finit les guerres aujourd’hui – à l’image des interventions en Afghanistan, en Irak, en Libye, au Mali –, de la crise économique à la crise du libéralisme, de la hausse des prix des matières premières au débat autour du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne ou encore des effets de la crise de la dette en France et en Grèce et plus largement en Europe, chacune de ces interrogations actuelles fait signe vers le passé.

A ces faits, on pourrait également rajouter le rappel à Pékin, en mars 1973, de Deng Xiaoping par Mao Zedong : sans tomber dans une lecture téléologique des événements, qui nous ferait écrire l’histoire à partir de son résultat connu, comme si tout ne pouvait se passer que comme cela s’est effectivement passé, oubliant ainsi les incertitudes et les contingences propres à cette période, voire les possibles non survenus, il convient néanmoins de rappeler que c’est ce même Deng Xiaoping qui procèdera, à partir de 1978, au vaste mouvement de modernisation du pays dont on constate pleinement les effets aujourd’hui. De même, on pourrait citer, le 3 juillet, la première Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) à Helsinki, durant laquelle les 35 États participants s’engagent, entre autres, à respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales ; ou encore, les 5-9 septembre, la IVe conférence du mouvement des non-alignés à Alger, qui réclame un nouvel ordre économique mondial ; mais aussi la rencontre Brejnev-Nixon de juin, sur fond d’affaire du Watergate , qui écorne alors l’image et le prestige des Etats-Unis. De même, la question des sources d’approvisionnement en matières premières était déjà dans les esprits à cette époque, ce qui a conduit, le 7 novembre, à l’annonce par le président américain Richard Nixon du « Project Independence », en réaction à l’embargo pétrolier imposé par les membres arabes de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Ce projet visait à développer des mesures d’économie d’énergie et des sources d’énergies alternatives afin d’assurer l’indépendance énergétique des États-Unis d’ici aux années 1980. Le même jour, la loi fédérale américaine intitulée War Powers Resolution était adoptée, obligeant le président à solliciter l’accord du Congrès avant de déclarer la guerre.

Dans cette liste non exhaustive de faits qui se sont produits en 1973, tous n’ont pas le statut d’événement historique. Au regard des changements induits, ces faits n’appartiennent pas à la même catégorie ; certains répondent au contexte de la guerre froide et en sont le produit, quand d’autres répondent de temporalités historiques différentes et sont le produit de contingences différentes. L’inscription dans l’histoire de ces faits, pour certains devenus événements, se réalise selon des modalités singulières, ne répondant pas toujours aux injonctions de la grande Histoire, mais alimentant bien souvent la micro-histoire, marquant des ruptures ou bien confirmant des régularités dont la résonance avec des problématiques d’aujourd’hui peuvent nous aider à penser notre présent.