ANALYSES

Pour moi, Roselyne Bachelot, les candidats devront s’emparer de l’Europe en 2017

Tribune
27 février 2013
Par Roselyne Bachelot, Ancienne ministre
L’Europe de 2013 est malade en son sein et assiégée à sa périphérie. C’est le symptôme classique des ensembles politiques en décadence. Les citoyens européens s’en rendent compte et enragent de voir que les responsables politiques escamotent de vrais sujets, tels les flux migratoires non maîtrisés – ou les évoquent de manière hystérique, comme lors de la campagne présidentielle française de 2012.

Ils ne comprennent pas que les nouveaux réseaux mafieux qui prospèrent en banlieue ne soient pas reliés à cette question européenne. Ils ne peuvent pas supporter que la régulation financière soit contournée par des États dits non-coopératifs ou des groupements privés quasi souverains (GazProm, Apple).

Pour autant, ceux qui doutent de l’Europe ne peuvent trouver refuge dans des États-nations, minés par les populismes, les séparatismes et les reculs de libertés publiques. Ils n’ont plus confiance dans les vieilles recettes qu’elles s’appellent souverainisme ou fédéralisme.

Dans ce contexte, la négociation du cadre financier pluriannuel 2014-2020 est lourde de malentendus. Derrière la technique budgétaire se profilent des risques d’explosion majeurs dans les opinions publiques.

Un véritable crash de l’Europe sociale
Je comprends les partisans de la rigueur, et d’une certaine manière j’en fais partie, mais il est confondant de constater que les partisans de l’augmentation du budget européen ont disparu du tour de table. Aucun dirigeant n’a été capable de défendre cette idée. Aucun des leaders sociaux-démocrates n’a utilisé un droit de veto individuel ou encore mieux, collectif, pour combattre l’insoutenable recul du budget européen. Cette absence d’espérance, cette sorte d’union contre-nature, porte un risque d’insurrection civique.

Mais pour comprendre ce qui nous attend, la rupture ne peut pas être jugée seulement sur un aspect quantitatif. Aussi je voudrais mettre en évidence quelques points sur le plan qualitatif.

La France a été incapable, dans cette négociation, de faire valoir ses priorités, car elles étaient trop nombreuses. Il fallait satisfaire les nouveaux féodaux, clients du PS. IL n’y a plus, dans ce compromis, aucune référence à un pacte pour la croissance et l’emploi, même pas une ligne budgétaire dans un programme hors cadre. Tous les ingrédients du désespoir de la classe ouvrière sont là.

L’enveloppe globale consacrée à la politique agricole commune (PAC) est en diminution de 12% sur la période 2014-2020. On nous a dit que la France y conserverait ses crédits, mais qui peut croire cela ? La politique de cohésion, elle, diminue de 10%. Et la négociation au parlement européen sera terrible pout les intérêts de la France.

Le pire est que nous assistons à un véritable crash de l’Europe sociale. Ainsi, le programme alimentaire est passé de 3,5 milliards d’euros à 2 ,1 milliards. Mais le pire est à venir, car ce programme est conditionné à la signature d’un règlement, elle-même sous la menace d’une minorité de blocage. Qui plus est, il n’est plus intégré dans la PAC, mais dans le FSE ou n’existe aucune ligne budgétaire dédiée.

Quant au fonds d’ajustement à la mondialisation – un outil puissant pour accompagner les restructurations industrielles, en particulier dans le secteur automobile –, il est passé de 500 millions d’euros à 150 millions, au moment où les Américains ont depuis 40 ans un Trade adjustment assistance leur permettant de faire face aux mutations industrielles.

Pour l’initiative sur l’emploi des jeunes, dont on se gargarise, elle est effectivement financée par 50% d’argent frais… ce qui implique que 50% des crédits n’ont pas été dévoilés.

L’Europe, une des clés de la campagne en 2017

L’Europe des citoyens est tragiquement aux abois et la crédibilité de la France ne repose plus que sur le jugement de Bruxelles et davantage encore de celui de l’Allemagne. Nous avons bien de la chance que la chancelière allemande soit en campagne électorale depuis septembre 2012, ce qui lui fait dire que ‘la France est sur le bon chemin’ alors qu’elle n’en croit pas un mot. Le miracle invraisemblable des taux d’intérêt négatifs peut se retourner, et se retournera inévitablement du jour au lendemain menant en enfer.

Le Parlement européen ne peut céder à la fois sur les chiffres et sur les contenus de toutes les politiques. Tout est donc en place pour que les citoyens européens traversent une crise institutionnelle et politique dont surgira, peut-être, on peut toujours l’espérer, une nouvelle Europe.

Une des clés de la campagne présidentielle de 2017 pour les candidats sera bel et bien l’Europe. Ils devront s’emparer de tous les sujets qui ne sont pas franchement abordés : la politique énergétique avec notamment la question du nucléaire, la politique d’immigration, les politiques de sécurité et de défense, la question des frontières politiques et culturelles de l’Europe. On ne pourra continuer à tenir des discours de matamore pour ensuite se coucher au nom de compromis ingérables.

->http://leplus.nouvelobs.com/] Cette tribune est publiée en partenariat avec [Le Plus du Nouvel Obs, dans la cadre des 5e Entretiens européens d’Enghien organisés le samedi 23 février sur le thème ‘Rapprocher les citoyens et l’Europe’ par l’IRIS et la Ville d’Enghien-les-Bains. Propos recueillis par Hélène Decommer, journaliste au Plus du NouvelObs.

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