ANALYSES

Los Cabos, Mexique et Rio+20, Brésil: un double défi mondial et latino-américain pour la France

Tribune
22 juin 2012
Sans doute. Le G-20 n’est-il pas alternativement présidé par l’un ou l’autre de ses membres ? Et c’est actuellement le tour du Mexique. La cuvée annuelle 2012 des responsables des 20 économies principales se tient donc chez lui. Il y a vingt ans les Nations unies s’étaient réunies à Rio pour affronter le défi du réchauffement planétaire. Rien donc d’étonnant qu’un bilan et qu’une éventuelle relance ait été programmés dans cette ville-là. Ces rendez-vous incontournables auront-ils une résonnance à la hauteur des attentes et des défis ? Les paris sont ouverts et sans doute seront-ils partiellement déçus, et réalisés.
Mais il y a un autre enjeu, souvent passé sous silence. Celui du cadre de ces agapes au sommet et mondialisées. Il n’y a pas en effet d’impromptus géographiques en diplomatie. Le choix des lieux est aussi révélateur que celui des armes pour les militaires. En dépit de l’attrait touristique de Los Cabos et de la baie de Rio, Brésil et Mexique ne sont pas les plagistes exotiques de service. Ils font partie du groupe restreint des puissances émergentes participant à la lutte des places internationales sur le terrain de l’économie comme dans celui de la diplomatie. Ils le font au même titre que l’Inde ou l’Afrique du sud. Ils le font souvent d’ailleurs en concertation avec ces pays.

Dans le monde tel qu’il est en ces débuts de XXIème siècle, il y a aussi et de plus en plus vibrionnants, divers pays d’Amériques latines. La fascination asiatique et plus particulièrement chinoise des Européens a obscurci l’angle de vision sur l’Ouest. Et si Tournesol avait raison ? Toujours à l’Ouest disait-il pendule au bout du doigt à ses amis Tintin, Dupont/d frères et Haddock. En effet à l’Ouest de Bruxelles, il y a l’Amérique ou plutôt les Amériques. Brésil et Mexique sont les piliers d’un Sud continental en phase de rattrapage économique, social et institutionnel avancé, l’Amérique latine. L’un et l’autre ont choisi des voies différentes pour bonifier leurs acquis. Le Mexique a privilégié un partenariat inédit avec les Etats-Unis. Le Brésil se veut ouvert aux ententes et coopérations avec les puissances dites du sud. Mais tous deux dans leurs registres si différents jouent la carte du dialogue, du pragmatisme et ont fait le pari de la multipolarité.

Il y a là un champ qui devrait, pourrait, ouvrir des opportunités pour tous ceux qui partagent cette approche des relations intergouvernementales. C’était l’un des savoir-faire de la France, longtemps associé, du moins jusqu’en 2007, à la diplomatie de sa Vème République. Le monde d’aujourd’hui tout autant que celui d’hier a besoin de ponts. Un pont a deux bouts. Qui ne sont pas nécessairement en complicité ni même en solidarité. Mais enfin en joignant leurs différences, Brésil, Mexique et pourquoi pas la France et d’autres, pourraient aider à construire l’âme d’un monde-pont. Ils pourraient poser les bases de compromis pragmatiques porteurs de paix, coopérations et croissance. Chacun, de la place qui est la sienne, et sans la remettre en question, pourrait favoriser l’émergence de propositions médianes et finalement consensuelles dans leurs camps respectifs.

Le président français fut présent aux deux rendez-vous, celui de Los Cabos et celui de Rio. A la différence de la chancelière allemande et des présidents nord-américain et russe, il dispose d’une fenêtre favorable. Il affiche une normalité appréciée des latino-américains, après les désillusions de ces dernières années. Le président mexicain ne vient-il pas de se déclarer en faveur d’une relance de l’économie mondiale pour réduire la crise européenne ? La présidente brésilienne ne vient-elle pas de se déclarer ouverte à un développement vert permettant de répondre aux défis de l’environnement et des inégalités sociales ?

La France peut-elle saisir cette opportunité ? Qui sait ? Mais, à condition de porter sur l’Amérique latine un regard plus respectueux que celui qui lui a été accordé jusqu’ici. De 2002 à 2012, à des titres divers, Brésil, Colombie, Mexique, Panama, Uruguay, ont été au mieux des variables d’ajustement et des supports médiatiques de querelles franco-françaises. Peut-être encore à condition de donner à cette éventuelle option en faveur d’une multilatéralité intégrant l’Amérique latine, un instrument pérenne de dialogue et de présence. L’Espagne, son Roi et son Prince héritier, l’Italie et son sous-secrétaire d’Etat à l’Amérique latine, les Etats-Unis et leur sous-secrétaire d’Etat à l’hémisphère occidental, ont des missi dominici , qui ratissent les Amériques de janvier à décembre. L’Allemagne fait jouer le bras de ses puissantes fondations. Elle a par ailleurs récupéré, à Hambourg, la fondation euro/latino-américaine. Espagne, Italie organisent par ailleurs des rendez-vous annuels de haut niveau, les conférences ibéro-américaines pour l’une, les Conferenzas Italia-America Latina , dans l’autre. Le moins que l’on puisse dire est que côté français, il y a du retard à l’allumage à ce niveau-là.