ANALYSES

Espagne : élections régionales paradoxales en Andalousie

Tribune
29 mars 2012
Le ballet des chiffres est certes réconfortant pour la droite espagnole. Mais il n’est pourtant pas du tout convaincant. Le PP a progressé au point d’être le premier parti en Andalousie pour la première fois de l’histoire électorale des régionales andalouses. Mais il y a chiffre et chiffre. Le 20 novembre 2011, au soir des générales, il avait près de 9 points d’avance sur les socialistes. L’écart n’est plus aujourd’hui que de 1,5 point. Du coup, le PP n’a pas réussi à l’emporter par KO, c’est-à-dire à obtenir la majorité des sièges.

Bien que genou à terre, le PSOE est plus que satisfait du résultat. Il peut prétendre se perpétuer au pouvoir avec le soutien des communistes. Une partie des votes perdus s’est en effet reportée sur le parti de la gauche unie (IU) coalition des Verts et du PCE. Une entente est donc possible. Elle est manifestement souhaitée comme le laissent entendre les coups de menton communistes annonciateurs d’appels du pied. Du reste en dépit de déclarations triomphalistes, au siège local du PP, l’ambiance était loin d’être festive.

La satisfaction socialiste a été des plus modérées. Il est vrai qu’elle était faite de beaucoup de soulagement. Les sondages n’en finissaient en effet plus d’annoncer à satiété le grand chelem du PP. L’Andalousie, la dernière grosse pièce qui lui échappait, lui était promise de tous côtés. Le PSOE n’était pas préparé à chanter victoire. A-t-il, il est vrai, de quoi se réjouir ? Le grain de sable andalou mis dans la roue du vélo PP est-il dû à un revirement de l’opinion vers le PSOE ? De toute évidence, non, on l’a lu.

Le vote du 25 mars 2012, plus qu’un vote partisan, a été un vote de rejet. Les Espagnols ont signalé la permanence de leur hostilité pour la rigueur et l’austérité. Les électeurs avaient sanctionné le gouvernement Zapatero et le PSOE en 2011. A ces élections régionales, ils ont envoyé un message d’alerte sociale au nouveau gouvernement Rajoy (PP). Le contexte économique et ses conséquences sociales n’ont pas fondamentalement changé en 2012. La conjoncture reste médiocre, sinon mauvaise. Et les vainqueurs du 20 novembre 2011 se trouvent face à la même équation que ceux qu’ils ont remplacés. Ils doivent gérer, et de façon durable une situation de crise économique et sociale.

Les premières mesures de rigueur annoncées par le gouvernement Rajoy, l’annonce d’autres décisions reportées au lendemain des élections andalouses, ont manifestement inquiété. Cette inquiétude s’est retrouvée au fond des urnes. Elle va sans doute être à nouveau perceptible dans la rue cette fois le 29 mars, les syndicats ayant annoncé une grève générale contre la réforme du droit du travail décidée par le gouvernement Rajoy. Le gouvernement central de Mariano Rajoy sait maintenant qu’il va devoir intégrer la montée progressive d’une résistance croissante aux mesures de rigueur qu’il a retardées mais qu’il va très vite devoir annoncer compte tenu de l’ampleur du déficit 2011 (8,5%) et des pressions européennes et allemandes en vue de le réduire. Le tout sur un fond de stagnation générateur d’une augmentation du chômage qui pourrait atteindre, voire dépasser 23% en fin d’année, c’est-à-dire le seuil atteint aux Etats-Unis et en Allemagne pendant « la grande crise ».

La victoire du PP a donc un goût amer et paradoxal. Le PP pensait pouvoir encore bénéficier d’un état de grâce lui permettant de faire passer le gros de la purge qui est devant les Espagnols. Il est aujourd’hui face à une équation compliquée, pris entre la crise, les pressions de l’Europe et du FMI, et celles des électeurs, des syndicats et autres « indignés ». La défaite du PSOE dans un tel contexte a une dimension tout aussi paradoxale. Les électeurs ont décidé de garder le PSOE aux commandes de l’Andalousie. Le résultat conforte la nouvelle direction socialiste, dirigée par l’ancien vice-premier ministre, Alfredo Perez Rubalcaba. Encore lui faudra-t-il savoir couper son vin, le vainqueur d’Andalousie, le président sortant José Antonio Griñan, n’étant pas l’un de ses proches. Il lui restera aussi à bonifier cette non-défaite pour construire la reconquête éventuelle des prochaines régionales en 2013, celles de Galice. Avec quel discours, quelles propositions, quels alliés en Europe ? Nul doute que les élections françaises de 2012, et allemandes de 2013, vont être suivies avec anxiété à Madrid, par le PP comme par le PSOE.