ANALYSES

Tunisie, la démocratie à venir

Tribune
21 octobre 2011
Réussir la transition

Après l’euphorie de la révolution et son flot de désillusions et d’inquiétudes, il faut à présent consolider le processus démocratique.
L’année 2011 aura été chaotique, les autorités de transition ont tenté de préserver un certain statu quo. Les Tunisiens les plus vigilants et les plus mobilisés, ont réagi et rejeter la perspective de renforcer le poids des élites délégitimées, lesquelles, toujours présentes dans l’appareil d’Etat, s’organisaient pour apparaître sous l’étiquette du « renouveau ».
Cette hypothèque semble levée et l’étape qui vient doit être sans fioriture, pour faire accepter la souveraineté populaire.
L’enjeu majeur du scrutin du 23 octobre 2011, réside dans la participation des Tunisiens. Ceux qui seront élus doivent pouvoir bénéficier d’une légitimité incontestable. C’est le plus sûr moyen de marquer une rupture définitive avec l’ancien régime.

Les cinq ou six formations politiques historiques devraient rafler le plus gros des sièges de la Constituante.
Parmi ceux là, c’est le parti Ennahdha qui se hisse en tête des sondages. Bien qu’il s’agisse d’un parti islamiste, la présentation d’Ennahda communiquée au ministère de l’Intérieur ne fait aucune référence à l’idéologie religieuse. Le slogan, «Liberté, égalité, développement» et le programme politique affichent la volonté du parti «d’œuvrer pour le développement social dans le cadre d’un Etat républicain, démocratique et qui garantit la séparation des pouvoirs».
Aux antipodes se trouve le Parti démocratique progressiste (PDP), qui axe l’ensemble de sa campagne autour d’une politique anti-islamiste. Son fondateur, Nejib Chebbi, brigue le poste de chef d’Etat. Prônant la séparation des pouvoirs, le Président ne serait que le chef de l’Exécutif, son mandat renouvelable qu’une seule fois. Il n’aurait pas l’initiative des lois, seule prérogative du Parlement, encore moins le droit de dissoudre la Chambre des Députés.
Il faut également souligner la présence dans ce scrutin du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), dirigé par Mustapha Ben Jaafar.
Le parti social-démocrate, parti Ettakatol, enfin, apparaît également comme l’une des formations politiques majeures du pays. Elle joue davantage la carte de la pondération, ne cherchant ni à s’allier avec le parti Ennahda, ni à se lancer dans une campagne hostile aux islamistes.
Les dirigeants d’Ennahda ont déjà annoncé que, même majoritaires, ils sont favorables à la formation d’un gouvernement d’union nationale. Voilà qui est de bon augure pour réussir la transition en cours.
Dans un pays en proie aux doutes et à la crise économique et sociale, qui a été masquée pendant des années par le régime soucieux de continuer à attirer les investisseurs étrangers, les islamistes pourraient jouer un rôle essentiel pour garantir la stabilité, et renforcer la légitimité des institutions nouvellement élues.

Jusqu’ici jamais le peuple tunisien n’avait lui-même pris en main son avenir. Ni durant la période coloniale (1881-1956), ni au moment de l’indépendance (1956), ni lors de la chute du « combattant suprême » Habib Bourguiba (1987), pilotée par le général Benali.
Le 23 octobre, les Tunisiens pourront disposer de leur destin. Ce sera, sans aucun doute, une grande fierté nationale et, quel que soit le résultat, chacun devra respecter le suffrage des urnes.