ANALYSES

Allemagne : « Le résultat des élections régionales ne doit jamais être extrapolé »

Tribune
21 septembre 2011
La coalition de centre-droit d’Angela Merkel a enregistré une large défaite dans ces élections et son allié au niveau national, le Parti libéral-démocrate (FDP), n’a pas réussi à atteindre la barre fatidique des 5%. Comment interpréter ce certain désamour de la part des électeurs ?

En observant ces élections au niveau national, l’on s’aperçoit que le parti le plus sanctionné est le FDP, car si celui de Madame Merkel n’est pas parvenu à gagner les élections, il a tout de même enregistré une hausse de 1,9% par rapport aux derniers suffrages. Ceci étant, les sociaux-démocrates continueront gouverner à Berlin, et le maire-gouverneur conserve son poste. Il est important de relever l’effondrement du parti libéral qui a perdu depuis les dernières élections 5,7% des suffrages, pour ne plus atteindre aujourd’hui que 1,9%, ce qui représente un score extrêmement faible. Il faut y voir plusieurs sources d’explications : d’une part, la faiblesse de la direction nationale, d’autre part le discours qui apparait très clairement anti-européen.
Angela Merkel se retrouve donc en difficulté, mais davantage en raison de la faiblesse de son allié, le parti libéral, que de celle de son propre parti ; la CDU a tout de même totalisé 23,2% des suffrages, ce qui n’est certes pas un score extraordinaire, mais qui ne représente pas non plus un effondrement.

L’Union démocratique chrétienne (CDU) d’Angela Merkel semble sortir affaiblie de ces élections. Quelles sont ses chances de redresser la barre d’ici les prochaines élections du chancelier en 2013 ? Que signifierait un retour du Parti social-démocrate ? Quels éléments le différencieraient de la gestion qui est faite de la crise de la zone euro par la CDU ?

Il s’agit ici d’élections régionales, et ce type de résultats ne doit jamais trop être extrapolé. Toutefois, il est vrai que le parti de Madame Merkel, le CDU, n’a remporté qu’une seule des dernières élections régionales, ce qui pose un problème dans un pays fédéral. De plus, le maire-gouverneur de Berlin, le social-démocrate Klaus Wowereit, est reconduit parce qu’il jouit d’une grande aura de sympathie, notamment due à sa forte personnalité. Le SPD s’impose fortement dans les Länder à travers la compétence de ses élus locaux, créant ainsi un vrai maillage territorial.

Les élections qui désigneront le prochain chancelier n’auront lieu qu’en 2013, et d’ici là les choses peuvent encore changer. L’échec de la CDU est moins celui de Madame Merkel que celui de la coalition au pouvoir. Je crois donc qu’il faut faire attention, et ne pas considérer à tout prix ces élections régionales comme un avant-goût des élections de 2013 : les résultats économiques de l’Allemagne sont très bons, et les Allemands apprécient cette bonne situation économique. Le taux de chômage n’est que de 6,9% dans le pays, alors que celui de la France stagne trois points au-dessus. De plus, le pays jouit d’une croissance bien plus forte que celle de ses voisins.

Il n’est toutefois pas à exclure que les sociaux-démocrates puissent tout à fait revenir au pouvoir, bien au contraire. Ils pourraient le faire dans le cadre d’une alliance avec les Verts, qui ont fait un très bon score à Berlin, en atteignant 17,4% des suffrages, ce qui représente une augmentation de quatre points depuis le dernier scrutin. Les Verts deviennent ainsi progressivement un parti traditionnel ; ils ne représentent plus seulement une réserve de voix, mais un parti à part entière.
Le retour au pouvoir des sociaux-démocrates est donc parfaitement envisageable dans le cadre d’une alliance Rouge-Verte, mais la victoire n’est pas encore acquise, puisque leur candidat demeure inconnu. Pour l’heure, on dénombre trois potentiels candidats à la chancellerie : l’actuel président du SPD, le président du groupe parlementaire, et un ancien ministre des Finances, qui jouit d’une bonne côte de popularité.

Concernant la gestion de la crise de la zone euro, il est clair que sur certains sujets, comme celui des Eurobonds, le Parti social-démocrate serait un partenaire bien plus accommodant pour la France, puisqu’il est très ouvert sur la question, et est nettement moins réticent que la CDU à se mouvoir dans cette direction. Néanmoins, il ne faut pas non plus surestimer la différence entre les deux grands partis, la CDU et le SPD, parce que le parti social-démocrate est lui aussi très soucieux de la stabilisation des finances publiques.
Certes, le discours sera différent sur certains points, comme sur celui des Eurobonds, qui provoque actuellement un clivage, mais la conditionnalité stricte demeurera présente chez les sociaux-démocrates ; aucun financement ne sera concédé sans que ne soit obtenue l’assurance d’une contrepartie.

L’Allemagne est souvent prise comme modèle économique. Comment gère-t-elle la crise économique et financière ?

Dans les discours publics, l’Allemagne apparaît comme un modèle de gestion. La faiblesse de son taux de chômage (qui se justifie entre autres par une faible arrivée des jeunes sur le marché du travail, contrairement à la France) et sa bonne gestion de la crise (avec l’utilisation de stabilisateurs, recours auquel la droite française a moins le réflexe, doublée de l’engagement de l’État à prendre en charge une partie du revenu complémentaire des salariés dans le cadre du chômage partiel), ont forgé l’admiration. Tout ceci a également montré qu’en Allemagne, la politique économique libérale n’existe pas réellement.
Le pays est par ailleurs capable d’équilibrer rapidement ses déficits publics. On prévoit pour cette année que le pays soit déjà revenu en dessous des 3% prévus par le traité de Maastricht. Il est également important de garder en mémoire qu’avant le début de la crise, en 2008, son budget était absolument équilibré.
L’Allemagne bénéficie donc, à juste titre, du statut de bon gestionnaire des finances publiques, grâce à la rigueur de sa gestion, et à la faiblesse de son taux de chômage ; dans certaines régions du Sud, comme dans la Bavière, le plein emploi est quasiment assuré puisque le taux de chômage n’est que de 5%.

Où en est la relation franco-allemande ?

Le couple franco-allemand montre des manifestations de solidarité, mais qui demeurent clairement superficielles. On est encore trop dans l’indécision. Ce type de relations permet de débloquer certaines situations, comme nous l’ont montré la rencontre du 21 juillet dernier et le sommet franco-allemand du 16 août. Toutefois, il est notable que malgré les tentatives du président français de multiplier les rencontres, toutes ne débouchent pas forcément sur des solutions, ce qui est peut-être dû à un manque de travail de fond.
De plus, les propositions allemandes sont souvent reprises par la France (comme pour la règle d’or) et non l’inverse, ce qui crée un certain déséquilibre : Nicolas Sarkozy est tellement soucieux d’apparaitre en parfaite harmonie avec l’Allemagne qu’il finit par en reprendre la quasi-totalité des positions.
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