ANALYSES

Dr Abdullah ABDULLAH : « Le message du président Karzaï a affaibli l’Etat et renforcé les Talibans. »

Tribune
23 mai 2011
Comment expliquez-vous l’intensification de l’insurrection en 2010, année la plus meurtrière depuis 10 ans selon l’ONU ?

Malheureusement, à cause des actions du président Karzaï et de son gouvernement, le fossé entre ce gouvernement et le peuple afghan ne cesse de se creuser. Les Talibans en ont tout simplement profité. Ces derniers bénéficient également de bases arrière sanctuarisées au Pakistan, où ils reçoivent du soutien. Cela a été l’un des facteurs favorisant l’intensification de l’insurrection.

Quel est le rôle des pays voisins dans le conflit? Dans quelle mesure sont-ils des éléments de la sortie du conflit?

Le rôle du Pakistan est notamment très critiquable car tous les leaders talibans sont basés sur le sol de ce pays voisin et peuvent compter sur des réseaux de soutien. Si le gouvernement pakistanais décidait de changer sa politique de soutien aux Talibans qui les considère encore aujourd’hui comme un atout, cela aurait un impact positif sur l’Afghanistan. La situation dans les autres pays voisins a également un impact sur l’Afghanistan. Et ils ne peuvent être que bénéficiaires d’un Afghanistan stabilisé.

Le gouvernement Karzaï, appuyé par l’OTAN, a initié un plan de réconciliation avec les talibans. Quel bilan dressez-vous de cette initiative?

Les Afghans veulent la paix dans leur pays. Mais dans le même temps, ils ne veulent pas d’un retour au temps des Talibans. Le message du président Karzaï en termes de réconciliation est mauvais. Cela a affaibli l’Etat et renforcé les Talibans. Ce que nous souhaitons, est, bien sûr, de laisser la porte ouverte à la réconciliation. Mais les conditions doivent être fixées correctement. Le peuple doit savoir quelles sont ces conditions et dans quelles circonstances les Talibans les acceptent.

Quelles marges de manœuvre possède votre coalition, Coalition for Change and Hope, au sein du parlement afghan depuis les élections législatives de septembre 2010 ?

La coalition que je dirige et avec laquelle je travaille, a des membres au parlement, au sénat, au niveau régional, et dans la société dans son ensemble. Il faut espérer que cette coalition créera un espace où une politique saine et démocratique pourra s’exercer. Une politique dans laquelle les Afghans pourront placer leurs espoirs. Les conséquences de cela seraient tout d’abord une réforme dans le pays et même des changements plus importants dans le futur. Les autres partis seraient également encouragés à emprunter la voie démocratique.

Quel bilan tirez-vous de ces dix ans de présence occidentale en Afghanistan ?

Après 10 ans d’engagement, beaucoup de choses ont été réalisées : pour la coalition comme pour les Afghans. La vie des gens a changé de façon positive. Avec la consolidation de ces réalisations, nous pouvons dire que c’était un engagement réussi. Mais avec un retrait prématuré, ces réussites se retrouveraient en danger. Elles doivent être consolidées : les défis sont toujours là. Nous avons tous fait des erreurs mais de nombreux progrès ont été réalisés pour le peuple afghan.