ANALYSES

Le G20 : force d’impulsion dans la gouvernance mondiale

Tribune
27 octobre 2010
Le G20 : produit d’une globalisation économique en crise

Si l’acte de naissance du G20 date du Sommet de Pittsburgh du 25 septembre 2009 – en pleine crise financière internationale – cette nouvelle figure de la gouvernance mondiale s’inscrit dans une dynamique historique qui remonte au milieu des années 70, période qui marque la fin des Trente Glorieuses avec la survenance de « chocs pétroliers ». Son ancêtre, le G6, s’est réuni pour la première fois le 15 novembre 1975 à l’initiative du président de la République française Valéry Giscard d’Estaing, dans le but d’offrir un cadre de concertation et de négociation internationales au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement. Nicolas Sarkozy tente de s’inscrire dans cette lignée : il aime ainsi à répéter que le G20 est également une « création française ». Entre temps, l’élargissement du cercle originel – composé par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Italie, l’Allemagne et le Japon – a été progressif. Si le Canada fut admis dès juin 1976 – créant ainsi le G7 – il faudra attendre la fin du bloc de l’Est et la dissolution de l’Union soviétique pour que le G7 se mue progressivement en G8. Après une seule et unique participation au G7 (en juillet 1991), l’Union soviétique sera remplacée par la Russie qui deviendra membre à part entière de ce club des puissances occidentales en 1998. L’année suivante, la crise financière asiatique est l’occasion de la première réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales des vingt futurs Etats membres du G20.

Le G20 : le symbole d’un monde multipolaire et interdépendant

Les crises chroniques de l’économie et de la finance internationales sont à l’origine d’une institutionnalisation de la gouvernance mondiale au-delà du simple cadre onusien. La pertinence du cadre offert par le Conseil de sécurité n’a pas résisté à la mutation des rapports de force sur la scène internationale. La donne a changé avec la fin de la guerre froide et l’émergence de nouvelles puissances dans un monde multipolaire et interdépendant. La création du G20 exprime la volonté d’adapter la gouvernance mondiale à la mutation des équilibres internationaux.
Le G20 permet un échange interétatique et multilatéral plus ouvert, plus équilibré, et plus représentatif. Le G20 est formé des vingt premières puissances économiques mondiales qui représentent environ 90% du PIB mondial, alors que les économies du G8 en réunissent moins de 60%. La réunion de puissances occidentales et de puissances émergentes renforce la légitimité de ce nouvel instrument de la gouvernance mondiale, même si leurs intérêts propres demeurent le plus souvent contradictoires.
Malgré l’évolution structurelle, la composition du G20 reste déséquilibrée. Le monde occidental est sur-représenté, alors que certaines régions du monde sont quasi absentes. Le poids des Etats de l’Europe occidentale (Allemagne, France, Royaume-Uni et Italie) de l’Union européenne et de l’Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) témoigne de cette sur-représentation occidentale. L’affirmation de puissances émergentes se traduit par la participation de trois pays d’Amérique centrale/du Sud (Mexique, Brésil et Argentine) et de six Etats d’Asie-Pacifique (Chine, Inde, Japon, Indonésie, Corée du Sud et Australie). L’Afrique (Afrique du Sud), le Moyen-Orient (l’Arabie saoudite et la Turquie) et l’Asie continentale (Russie) sont sous-représentés. Le critère premier de représentation est d’ordre économique et ne relève pas d’une logique de justice démocratique.

Le G20 : un pouvoir d’impulsion

Le G20 offre un nouveau cadre de coopération et de concertation internationales, mais n’est pas un organe décisionnel au sens formel du terme. Il ne détient pas de pouvoir de décision : ses actes ne bénéficient pas de la force juridique contraignante et donnent lieu à des recommandations. Son leadership politique repose sur sa capacité à dégager des accords consensuels entre les principales puissances économiques mondiales.
Pour preuve, la réunion – en Corée du Sud les 21 et 22 octobre – des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales du G20 a permis de trouver un accord sur la réforme du conseil d’administration du FMI. Ce dernier ne reflétait pas les nouveaux équilibres économiques mondiaux. Ainsi, au regard des contributions (ou quotas) qui déterminent la part des droits de vote, la Belgique et les Pays-Bas réunis disposent-ils d’un pouvoir supérieur à celui de la Chine. Les ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales se sont mis d’accord sur un transfert de plus de 6% des quotas du FMI au profit des pays émergents sous-représentés (contre 5% comme cela avait été prévu dans les accords conclus précédemment). L’augmentation des quote-parts équivaut à une augmentation de capital, donc des moyens financiers du FMI. L’accord devrait renforcer la crédibilité, la légitimité et donc l’efficacité du FMI. Les principaux bénéficiaires de cette réforme sont a priori l’Inde, la Chine, le Brésil et la Turquie. Pour l’Europe, qui détient actuellement neuf des 24 sièges du conseil d’administration du FMI, cet accord signifie qu’elle va perdre deux d’entre eux. Toutefois, cet affaiblissement du poids européen est moins important que ne le souhaitaient les Etats-Unis, qui conservent en contrepartie leur droit de veto sur les décisions importantes prises par l’institution internationale. À l’image de la montée en puissance de son PIB, la Chine, actuellement sixième pays en termes de quotas, va dépasser l’Allemagne, la France ou la Grande-Bretagne pour devenir l’un des trois Etats les plus importants du FMI (avec les Etats-Unis et le Japon). D’ailleurs, le gouverneur de la Banque centrale de Chine, Zhou Xiaochuan, a appelé le FMI à accomplir la réforme avant le sommet du G20 prévu les 11 et 12 novembre prochain à Séoul.

« Il s’agit de la plus importante réforme jamais accomplie dans la gouvernance de l’institution », a reconnu Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, poste qui revient traditionnellement aux Européens et qui pourra désormais être attribué à tous les Etats membres de l’organisation.