ANALYSES

Lutte contre la piraterie : des initiatives régionales aux applications complexes

Tribune
22 octobre 2010
Les Seychelles, par leur position géographique, s’en trouvent particulièrement affectées. L’économie de ce petit pays archipélagique dépend en effet en très grande partie des échanges commerciaux maritimes et du tourisme de croisière, qui, en un an, s’est complètement éteint. Les navires et voiliers touristiques restent inutilisés, alors que le PIB du pays a déjà chuté de 4 %. Si les Seychelles ont réussi à sensibiliser la Communauté Internationale – et en particulier l’Union européenne – aux défis auxquels elles sont confrontées, elles ont également reçu un soutien fort des organisations régionales d’Afrique orientale et de l’Océan Indien et de leur pays membres. Ces derniers considèrent, en effet, que la piraterie présente aujourd’hui une menace majeure pour l’ensemble de la région, dont 90% des échanges dépendent du commerce maritime.

Plutôt que de rechercher une réponse militaire, les organisations régionales, leurs Etats membres et l’Union Européenne ont adopté une stratégie régionale et un plan d’action global à court, moyen et long terme, visant à mettre en place une véritable coordination et harmonisation régionale en matière juridique, de l’arrestation à la poursuite, à l’emprisonnement et au transfert des pirates, tout en soutenant la recherche de stabilité et de développement sur le territoire somalien. Le développement de ces deux dimensions parallèles apparait indispensable à une lutte efficace contre la piraterie maritime dans l’Océan Indien. S’il est en effet nécessaire de répondre aux causes sous-jacentes de la piraterie en favorisant un contexte plus stable et sécurisé sur le territoire somalien, il est indispensable de mettre en place un système judiciaire efficace permettant de prendre en charge les pirates, tout en respectant leurs droits. Ce sont ainsi des problématiques majeures que les ministres de l’Afrique orientale et australe et de l’Océan Indien ont soulignées la semaine dernière en évoquant la nécessité d’harmonisation générale de leurs législations et de création de règles internationales, la coopération de leurs services judicaires et policiers, le renforcement des institutions pénitentiaires -en particulier sur le territoire somalien- et le respect des Droits de l’Homme.

Cette appropriation par les organisations et Etats de la région représente une évolution majeure de la lutte contre la piraterie, qui, jusqu’à présent, n’était prise en charge que par des acteurs extérieurs, dont, principalement, les grandes puissances navales. L’action qu’ils envisagent de mettre en œuvre apparaît comme une solution efficace et complémentaire aux multiples actions déjà menées dans la zone et mérite que l’on suive avec attention son développement. Il est néanmoins peu probable que ces Etats et Organisations seuls réussissent, du fait de leurs ressources humaines et financières limitées, à mettre en œuvre cet ambitieux plan d’action. A ce titre, il est indispensable que les engagements financiers pris par Mme Ashton soient suivis d’actions de soutien concrètes et immédiates et dépassent, à ce titre, leur simple dimension politique. Les Etats de la Région devront de leur côté tenir les engagements qu’ils ont pris au sein des organisations régionales dont ils sont membres et soutenir ces dernières dans la formulation des projets concrets qu’elles se proposent de mettre en œuvre.

Si l’on ne peut que saluer l’initiation de ces démarches régionales, le chemin à parcourir pour enrayer la piraterie dans le Sud-Ouest de l’océan Indien reste long et complexe.

(1)Marché Commun de l’Afrique Orientale et Australe- COMESA, Autorité Intergouvernementale pour le Développement- IGAD, Communauté de Développement d’Afrique Australe- SADC et Commission de l’Océan Indien- COI.