ANALYSES

Liu Xiaobo, premier Nobel chinois !

Tribune
12 octobre 2010
Déjà condamné à une peine de prison pour sa participation aux événements de Tian An Men (il était rentré des Etats-Unis pour soutenir le mouvement) et enfermé en camp de travail de 1996 à 1999, il s’est toujours battu pour la liberté d’expression et n’a jamais accepté de s’exiler. Défenseur des droits civiques, président du PEN Club (écrivains indépendants), il est convaincu que c’est la société qui finira par imposer au Parti les nécessaires réformes politiques.

Après l’attribution controversée du prix 2009 à Barack Obama, le Comité a choisi de distinguer un militant des droits de l’homme chinois, faisant fi des pressions exercées par la Chine cet été. Après avoir décerné le même prix au Dalaï Lama en 1989 et le Nobel de littérature à Gao Xinjian, exilé en France, en 2000, c’est la troisième fois que le Comité suscite la colère de Pékin.

Le Ministère des Affaires étrangères chinois a vivement réagi en critiquant la « politisation du Nobel » et son « dévoiement ». Selon le Global Times (journal anglophone appartenant au Quotidien du Peuple ), ce prix montre que « l’Occident a peur de la Chine », devenue la deuxième puissance économique mondiale.

Du côté de la France, enfin réconciliée avec la Chine, devenue un allié essentiel pour la réussite du G20, et à quelques semaines de la visite officielle du Président Hu Jintao à Paris, l’Elysée et Matignon n’ont pas commenté l’événement. Seul Bernard Kouchner a réitéré son appel à la libération de Liu Xiaobo dans un communiqué publié vendredi.

Liu Xiaobo a dédié son prix aux morts de Tiananmen, aux « âmes disparues du 4 juin » selon Liu Xia, sa femme qui a pu lui rendre visite dans sa prison de Jinzhou (Liaoning) avant d’être assignée à résidence à Pékin. Plusieurs militants des droits de l’homme auraient également été arrêtés depuis vendredi selon certaines ONG. L’attribution de ce prix à celui que Pékin considère comme « un criminel » a entrainé une crispation du régime, qui ne supporte pas les pressions extérieures, et une censure quasi totale dans l’ensemble des médias.

Alors que Wen Jiabao avait surpris par ses récentes prises de positions en faveur d’une certaine démocratisation du régime (discours de Shenzhen et interview de CNN), et à moins de deux ans de la fin du mandat des dirigeants chinois actuels, le choix de Liu Xiaobo est-il de nature à conforter la frange ‘progressiste’ du Parti ou va-t-il, au contraire, renforcer la ligne ‘nationaliste’ ?

L’agence de presse officielle Xinhua reprend aujourd’hui à son compte une dépêche de l’agence russe RIAN faisant référence à la guerre froide et dénonçant « une stratégie euro atlantique ». Alors que le sujet des droits de l’homme semblait être passé au second plan, face à la montée des contentieux économiques, commerciaux et monétaires, il revient en force sur le devant de la scène.