ANALYSES

Al-Qaïda entre alerte et routine

Tribune
11 octobre 2010
Quelle que soit l’ampleur de la catastrophe (sans doute 1700 morts et des centaines de milliers de réfugiés) dans – il faut bien le dire – une relative indifférence des médias occidentaux, il y a un paradoxe. Et dans les propos de Ben Laden ‘écolo’ (encore que ce ne soit pas la première fois qu’il se préoccupe de ces questions), presque altermondialiste dans ses diatribes contre les puissants. Et dans la façon dont sont accueillies les déclarations de l’homme qui sont supposées menacer le monde. Si l’on met de côté l’hypothèse selon laquelle la vidéo serait truquée, il y a là sujet à s’interroger sur le statut d’Al-Qaïda.

Au même moment, les annonces d’une reprise des activités de l’organisation se multiplient. Des responsables américains du contre-terrorisme annonçaient récemment que Ben Laden et les siens auraient pu jouer un rôle important dans un très vague projet d’attaques coordonnées contre la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ‘de style Mumbai‘, mais qu’une menace d’Al-Qaïda pour le Maghreb Islamique était peu vraisemblable sur le territoire européen. Nous sommes tentés de souscrire à la seconde partie de la proposition (une campagne dans le style de celle du GIA posant des bombes en France en 1995 ne semble pas cohérente avec la stratégie de prises d’otages). Quant à la première information, le complot dont on ne sait trop s’il est ou non déjoué… elle est plutôt invérifiable.

Au moment où nous écrivons, il est question d’un projet menaçant les Américains en Europe->http://www.lepoint.fr/monde/terrorisme-les-americains-en-europe-pourra] et dont la source aurait été découverte au Nord-Waziristan (la zone du Pakistan où pourrait être réfugié Ben Laden). Le même jour, autre source : des membres d’Al-Qaïda tenteraient de s’emparer de [passeports occidentaux. Ou encore, on apprend que la Suède relève son niveau d’alerte.

Bref, un ensemble de renseignements vagues, le plus souvent de sources anonymes->http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/asia/afghanistan/8037998/Bin] mais toutes alarmistes, converge. Elles aboutissent objectivement à redonner du lustre à Al-Qaïda dont beaucoup proclamaient le déclin et dont les dernières déclarations, guère suivies d’effet, ne donnaient pas l’impression d’un péril croissant. Comment interpréter ces indices ? Comme un montage occidental destiné à agiter l’épouvantail terroriste (comme on l’a dit à propos de la [France) ? Ce serait un peu simple. Il se pourrait aussi que cela traduise la transformation d’Al-Qaïda en une poussière de groupes d’importance très diverses, n’ayant plus qu’un lien formel, purement nominal, voire publicitaire, avec l’organisation désormais mythifiée. Ou que des groupes (dans le Sahel, au Pakistan, les indications ne sont pas claires) pourraient décider de passer au stade supérieur et frapper au cœur du dispositif ennemi, en Europe par exemple.

La logique des réseaux et le système de la ‘franchise’ du nom Al-Qaïda se développeraient dans le sens de l’éparpillement et de l’autonomie. La seule vraie question est : est-ce une bonne nouvelle ? Et un ennemi dispersé n’est-il pas plus difficile à combattre ?
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