ANALYSES

Après le retrait des troupes combattantes américaines, quel avenir pour l’Irak ?

Tribune
3 septembre 2010
Barack Obama a tenu sa promesse. Dès 2003, simple élu, il a été un farouche opposant à la guerre en Irak décidée par George W. Bush. Candidat aux primaires démocrates et ensuite à l’élection présidentielle, il a promis de mettre fin à la guerre et de rappeler les Boys à la maison. Il a parfaitement respecté le calendrier du retrait qu’il avait fixé dès son entrée à la Maison Blanche.

Il est encore trop tôt pour faire le bilan d’une guerre désastreuse décidée unilatéralement par George W. Bush. Ce bilan apparaît déjà contrasté, voire largement négatif du côté américain. Ce n’est pas sans raison que Barack Obama n’a pas crié victoire lors de son discours sur l’Irak de mardi soir.

Pour les États-Unis, cette guerre a été, après la guerre du Vietnam, la plus coûteuse en vies humaines avec la mort de 4417 militaires américains. Plus de 1000 milliards de dollars ont été dépensés depuis 2003. Cette guerre a divisé les Américains et les alliés de l’Amérique. L’image des États-Unis est sortie affaiblie et dégradée dans le monde. Il faudra du temps pour effacer de la mémoire les mensonges de l’administration américaine qui ont motivé la guerre : les preuves de détention par Bagdad des armes de destruction massive et la lutte contre le terrorisme, alors que Al-Qaïda n’existait pas en Irak avant l’invasion américaine. Sans parler d’Abou Ghraïb et Guantanamo.

Les forces américaines laissent derrière elles un pays confronté à de nombreux défis qui rendent son avenir incertain. Certes, le Premier ministre Nouri al-Maliki a assuré que l’Irak après ce retrait était désormais « un pays souverain et indépendant », accréditant ainsi l’idée selon laquelle l’Irak était jusqu’à aujourd’hui un pays occupé. Certes, depuis deux ans, Al-Qaïda est affaiblie en Irak mais elle n’est pas totalement vaincue et l’insurrection arabe sunnite irakienne commence à la remplacer dans l’opposition au gouvernement à majorité chiite. Alors que le Premier ministre irakien se déclare convaincu que l’armée irakienne est capable d’assurer la sécurité du pays, le chef de l’état-major irakien, le général Babaker Zebar, demandait très récemment aux États-Unis de rester dans son pays jusqu’à ce que l’armée soit complètement prête en 2020.

De nombreux conflits à caractère communautaire et politique sont en suspens et peuvent à tout moment dégénérer en conflit ouvert. Le sort de la ville de Kirkouk, capitale de la province pétrolière du même nom, revendiquée par les Kurdes comme étant leur capitale culturelle et historique, n’est pas réglé. Les Arabes, aussi bien sunnites que chiites, refusent de céder la souveraineté du Kirkouk aux Kurdes. D’ores et déjà le gouvernement autonome du Kurdistan signe des contrats d’exploitation du gaz et du pétrole du Kirkouk avec les compagnies étrangères, violement contestés par le gouvernement central. Certes, une large partie de la communauté arabe sunnite a finalement choisi d’adhérer au processus politique en place en participant aux élections du 7 mars dernier, mais ils n’ont pas renoncé à leur revendication de modifier la Constitution adoptée en 2005 pour renforcer le caractère arabe de l’Irak au détriment des Kurdes.

Certes, il y a eu plusieurs élections en Irak et la dernière élection législative a été un succès, mais la classe politique irakienne et les partis qui la compose manquent cruellement de maturité politique. Près de sept mois après le scrutin, l’Irak n’a pas réussi à se doter d’un gouvernement. Les tractations entre les partis et les coalitions politiques montrent que l’ambition personnelle prime sur le projet politique. À la tête de « Mouvement national irakien », une coalition à majorité sunnite, dirigée par l’ancien Premier ministre chiite laïc « pro-américain » choisi par Paul Bremer, l’administrateur américain en Irak après l’invasion, est apparue comme la première force politique en obtenant 91 sièges sur les 325 sièges du Parlement contre 89 sièges pour la liste « Coalition de l’État de droit » du Premier ministre sortant Nouri al Maleki et 70 sièges pour « Alliance nationale irakienne » des chiites conservateurs. Les différents partis kurdes, quant à eux, ont obtenu 57 sièges. Sans avoir la majorité au Parlement, Ayad Allaoui souhaite, avec le soutien des pays arabes, notamment l’Arabie saoudite, former le nouveau gouvernement. Le Premier ministre sortant Nouri al Maleki a bien réussi à former une coalition avec ses anciens alliés chiites de la liste « Alliance nationale irakienne », mais ses partenaires ne veulent à aucun prix le voir se succéder à lui-même, d’autant plus qu’ils ont en la personne du vice-président de la république sortant, Adel Abdul Mahdi, un chiite laïc respecté qui peut obtenir les voix des Kurdes.

Peut-on croire l’annonce faite, lundi 30 août, par le puissant chef de l’Alliance nationale irakienne Ammar al-Hakim d’un prochain déblocage de la crise politique et la formation d’un nouveau gouvernement ? Beaucoup d’Irakiens souhaiteraient la formation d’un gouvernement d’union nationale pour surmonter les difficultés politiques et sécuritaires mais aussi pour résister aux influences contradictoires de ses voisins, notamment celles de l’Iran et de l’Arabie saoudite qui sont en compétition ouverte en Irak.