La représentation internationale de l’Union européenne : l’unité dans la diversité ?
Tribune
6 avril 2010
La question revêt une dimension particulière en matière de commerce international. D’abord, du fait de l’importance du libre-échange dans une économie mondialisée. Ensuite, la crise sera encore à l’ordre du jour du prochain G20. Enfin, l’Union européenne exerce une compétence exclusive pour établir les règles de la politique commerciale commune (art. 3 Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). C’est pourquoi l’Union européenne mène pour le compte de la France et des autres Etats membres des négociations commerciales tant multilatérales (dans l’enceinte de l’OMC) que bilatérales (l’Union européenne conclut des accords bilatéraux avec d’autres pays ou régions du monde). Avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les Communautés européennes disposaient déjà de prérogatives conventionnelles très étendues. Pour s’en tenir à la seule Communauté européenne, celle-ci bénéficia d’une extension de sa capacité conventionnelle manifeste. Initialement elle ne pouvait conclure que des accords de commerce et des accords d’association dont au demeurant pour ces derniers on voit difficilement qui d’autres qu’elle-même eût pu les conclure. La notion d’accord de commerce a acquis un champ de plus en plus vaste (1), englobant en particulier les formes nouvelles et diversifiées du commerce international. Ensuite et relativement tôt, la Cour de justice a ouvert largement les vannes de la compétence communautaire avec la célèbre théorie du parallélisme entre la compétence interne et la compétence externe (2). Les Etats se sont ainsi vus retirer des champs de compétence considérables, ce qui explique au demeurant la réaction de la Cour avec l’avis 1/94 (3) qui a paru rééquilibrer la situation au profit des Etats encore que les arrêts Open Sky (4) peuvent légitimement faire penser à un certain retour à la jurisprudence antérieure.
Sur le plan des négociations commerciales multilatérales, l’Union européenne est membre à part entière de l’OMC, comme chacun de ses 27 États membres — ce qui représente 28 Membres au total. Les États membres coordonnent leur position à Bruxelles et à Genève, mais seule la Commission européenne — l’organe exécutif de l’UE — s’exprime au nom de l’UE et de ses membres à presque toutes les réunions de l’OMC et pour presque toutes les questions traitées à l’OMC. Néanmoins, il est parfois spécifiquement question de tel ou tel État membre, en particulier lorsque sa législation diffère de celles des autres. C’est le cas dans certains différends lorsqu’une loi ou une mesure d’un membre de l’UE est invoquée, ou dans des notifications de lois des pays de l’UE, notamment en ce qui concerne la propriété intellectuelle (ADPIC). Les membres de l’UE s’expriment à titre individuel aux réunions des Comités ou dans des documents qu’ils présentent, en particulier au Comité du budget, des finances et de l’administration.
La mise en garde de Pascal Lamy est salutaire. Elle met l’accent sur les contradictions et limites actuelles de l’Union européenne. Elle met aussi les différents acteurs face à leurs responsabilités. Des conclusions et décisions s’imposent, sauf à condamner l’Union à l’invisibilité/l’inefficacité internationale.
(1) CJCE, avis 1/75, 22 novembre 1975, Rec.1355.
(2) CJCE, 31 mars 1971, Commission c/ Conseil , 22/70 Rec. 263 ; avis 3,4 et 6/76, Kramer , Rec. 1308.
(3) CJCE, avis 1/94, 15 novembre 1994, Rec. I-5267.
(4) CJCE, 5 novembre 2002, Commission C/ Danemark, Suède, Finlande, Autriche …, C-467 à 475/98, Rec. I-9519.