Nucléaire US : tout changer pour que rien ne change
Tribune
5 mars 2010
Rien de bien différent donc, et au contraire la continuité qui semble être choisie comme option. La proposition de Barack Obama propose en effet de conserver une force de dissuasion « solide et fiable », ce qui exclue on ne peut plus clairement la possibilité de l’élimination à court ou moyen terme. De même, et s’il convient de louer par ailleurs les efforts américains en faveur de désarmement nucléaire, les Etats-Unis restent, avec la Russie, la principale puissance nucléaire en stocks, très loin devant des pays comme la France, la Chine ou le Royaume-Uni (et sans tenir compte des puissances nucléaires non reconnues par le Traité de non prolifération). Il serait donc assez logique que les premiers gestes en matière de désarmement viennent de ces deux pays, et non de ceux dont les stocks sont nettement plus modestes.
En d’autres termes, rien de véritablement nouveau dans cette politique américaine du nucléaire, sinon la volonté de poursuivre dans la même direction, mais sans fixer le moindre objectif concret en matière d’élimination (qui devra de toute façon passer par l’approbation de tous). L’effet d’annonce du discours de Prague reste donc pour l’heure sans véritable conséquence, et si les Etats-Unis se positionnent comme un « bon élève » à quelques semaines de la conférence d’examen du Traité de non prolifération, ce qui permettra à Washington de chercher à se mettre en position de force, il n’y a pas de réel changement sur le fond, la politique nucléaire américaine se proposant simplement d’aller « plus loin que les précédentes », pour reprendre les termes de la Maison-Blanche.
Un point positif toutefois, et hautement prévisible d’ailleurs : l’abandon des projets d’armes anti-bunkers, qui figuraient dans la politique nucléaire des Etats-Unis en 2002. Ces armes posaient un problème considérable, en ce qu’elles ouvraient potentiellement la porte à l’utilisation d’armes nucléaires tactique afin de détruire des cibles ennemies inatteignables par des armes conventionnelles. En renonçant de manière ferme à de telles options, Washington fait preuve de bon sens et d’engagement dans la lutte contre la prolifération, n’envoyant pas de mauvais message à ceux qui seraient tentés par l’aventure nucléaire.
Une autre note positive enfin, la décision de tourner définitivement la page du stationnement des armes nucléaires en Europe, envoyant ainsi un message amical à Moscou (qui ne demandait d’ailleurs sans doute pas tant).