ANALYSES

Foot : les six leçons de la Coupe d’Afrique des nations

Tribune
4 février 2010
1/ Triple peine pour le Togo

Ils ont tout perdu.
Première peine : deux jours avant le début de la compétition, et dès leur arrivée, ils sont été victime d’une attaque->http://www.rue89.com/boniface/2010/01/12/les-11-lecons-de-lattentat-contre-les-footballeurs-togolais-133401] du Front de libération de l’enclave de la Cabinda (FLEC). Elle a causé la mort de deux membres de la [délégation des Eperviers->http://www.rue89.com/Front+de+lib%C3%A9ration+de+l%27enclave+de+la+Cabinda+%28FLEC%29] : [Amélété Abalo, adjoint du sélectionneur, et Stanilas Ocloo, attaché de presse de la sélection.
Deuxième peine : après avoir été rappelée par son gouvernement, la sélection du Togo renonce finalement à prendre part à la compétition. Mais les joueurs, eux, voulaient jouer, en l’honneur de leurs camarades.
La troisième peine a été infligée, la semaine dernière, par le président de la Confédération africaine de football (CAF), Issa Hayatou->http://fr.wikipedia.org/wiki/Issa_Hayatou] : exclure la [sélection du Togo des deux prochaines Coupe d’Afrique de football.
Par cette décision, le président justifie toutes les critiques qui circulent autour de son nom d’une part, et de la CAN d’autre part. Le journal ivoirien Le Patriote écrivait dès l’annonce de la décision : « Avec cette sanction injustifiée et inappropriée contre le Togo, la CAF apporte de l’eau au moulin de ceux qui disent qu’il n’y a que l’argent qui intéresse Hayatou et ses amis ».
Ce drame aurait par ailleurs pu être évité, selon Togosite.com : « La CAF était au courant dès le mois de novembre 2009 de la menace terroriste qui pesait sur le site de Cabinda. »

2/ Une organisation chaotique

Ce tournoi n’a pas été une réussite, tant sur le plan de l’organisation que de l’arbitrage. Cette CAN 2010 a vu moins de grands matchs que les deux éditions précédentes.
Personne n’a été épargné par la désorganisation durant les trois semaines de compétition. Un seul exemple : l’avant-veille de la finale, les joueurs égyptiens ont mis huit heures pour rejoindre Luanda, alors que le vol depuis Benguela dure à peine quarante minutes.
Le 1er février, le site Guinée News souligne que cette CAN « a été marquée par la piètre prestation des arbitres qui ont influencé les résultats de certains matchs importants, comme celui de la Côte d’Ivoire contre l’Algérie ou l’Algérie contre l’Égypte ».
Outre ces erreurs d’arbitrage et cette organisation défaillante, Radio France International->http://www.rfi.fr/contenu/20100131-une-can-2010-decevante-0] a [rappelé->http://www.rfi.fr/contenu/20100131-une-can-2010-decevante-0] les faibles affluences dans les stades. De son côté, le journal burkinabé [L’Observateur->http://www.lobservateur.bf/spip.php?article13346] concluait ainsi cette 27e CAF : « Malheureusement, la puissante machine de la CAF est gérée comme une cour familiale, un royaume. » Comme [Laurent Hassid->http://www.rue89.com/2010/01/11/pourquoi-il-ne-fallait-pas-choisir-langola-pour-accueillir-la-can-133130] [10]et [moi-même l’avons écrit sur Rue89, une relève est nécessaire pour le football africain.

3/ Les stars sont passées à côté de la compétition

Sans rien enlever à la victoire égyptienne, cette CAN n’a pas été un grand tournoi sur le plan footballistique. Mais là, ni le pays organisateur ni la CAF n’y sont pour quoi que ce soit. Le fait est qu’on n’a pas vu les grandes équipes… ni les grands joueurs.
Parmi ces derniers, ceux qui évoluent en Europe étaient pourtant présents. Par le passé, il y eut des bras de fer entre les clubs, et leurs vedettes, les premiers ne voulant pas prendre le risque de voir un joueur blessé en plein milieu de saison.
Aujourd’hui, plus aucun club ne songe à empêcher les Eto’o, Drogba ou Essien d’aller à la CAN. Mais ce dernier a rapidement été blessé. Quant aux attaquants de Chelsea et de l’Inter Milan, ils sont passés à côté de leur tournoi.



4/ La demi-finale Egypte-Algérie piètrement arbitrée

Koffi Codjia, l’arbitre de cette demi-finale, a oeuvré pour l’Egypte. Vu le passif entre les deux équipes (notamment les émeutes qui ont suivi une de leur confrontation lors des éliminatoires), on peut considérer qu’il a totalement manqué de discernement.
Il met hâtivement un second carton jaune au défenseur algérien Halliche, provoquant un penalty et l’expulsion du joueur. Puis valide le but, alors qu’il a été tiré de façon discutable, faussant ainsi la donne. Même si ensuite, l’Egypte a bien mieux joué que son adversaire.
Ironie du sort, ce 2 février, Mr Codjia a été sanctionné pour… ne pas avoir exclu le gardien algérien (carton jaune), Faouzi Chaouchi, qui l’avait apostrophé après
le penalty marqué.

5/ L’Egypte soupçonnée de traitement de faveur

L’arbitrage de ce match pose la question du poids de l’Egypte dans la CAF, dont le siège est au Caire. Lors de l’édition 2006, remportée par les Pharaons sur leur sol, il y avait déjà eu quelques sifflets (demi-finale Egypte-Cameroun).
L’équipe du Togo a été sanctionnée dès la fin du tournoi, alors que pour les attaques de supporters algériens par des Egyptiens, le 12 novembre au Caire, la sélection égyptienne n’a à ce jour souffert d’aucune sanction.
Pour certains, comme le quotidien Tout sur l’Algérie , « difficile de ne pas voir un lien entre cette absence de sanctions et le poids de l’Egypte au sein de la CAF ».
Pourtant, et malgré l’absence de joueurs clé de son dispositif (Abou Treika, Amr Zaki), l’Egypte a remporté sa troisième CAN d’affilée ! Sacré paradoxe, qui pose problème : que veut dire cette victoire, pour une équipe qui n’arrive jamais à se qualifier pour la Coupe du monde ?

6/ Le niveau de la CAN monte

Des vedettes qui jouent dans les grands championnats européens (sauf dans le cas de l’Egypte, où quasiment tous les joueurs jouent au sein de leur pays), des sponsors de plus en plus nombreux, des droits télé disputés : la CAN monte. Elle semble à présent se situer juste derrière l’Euro, et devant le championnat d’Amérique du Sud des nations.
Il y a en Afrique une vraie passion pour les joueurs. Le problème, cependant, reste encore et toujours les structures. Il faudrait aux instances africaines un Platini, un fédérateur. Le risque, sinon, sera de faire perdurer ces structures opaques qui régissent encore, aujourd’hui, le football du continent africain.

Avec Hubert Artus


En partenariat avec Rue89