ANALYSES

Enjeux de Copenhague : les grandes lignes

Tribune
4 novembre 2009
Consensus sur l’urgence climatique

On est loin des temps où la responsabilité de l’homme dans le réchauffement climatique était minimisée, voir niée. L’enjeu environnemental fait désormais pleinement partie de l’agenda politique – et économique – international. Il y a un consensus sur la nécessité d’agir pour réduire l’impact des activités humaines sur le réchauffement de la planète. A cet égard, la fin des années Bush et la position plus ouverte de la nouvelle administration sur la question du réchauffement climatique augmentent l’espoir d’un accord international avec une implication plus volontariste des Etats-Unis. Le rendez-vous de Copenhague a une résonance particulière car il s’agit de négocier l’après Kyoto, le protocole expirant en 2012. Ce dispositif vise à restreindre les émissions des grands pays industrialisés, mais la non ratification des Etats-Unis a abouti à un déséquilibre dans le mécanisme qui limite son efficacité. L’ambition de Copenhague est d’élargir le système de droits à polluer aux pays en développement tout en leur apportant les garanties d’une assistance technique et financière. Une caractéristique fondamentale de la question environnementale a trait à la nature diffuse du risque qu’elle génère, les frontières ne suffisent pas à s’en protéger et la sécurité de chacun dépend de l’effort collectif. Un engagement global, avec un mécanisme inclusif, est crucial car les scénarios abondent sur les conséquences à long terme des dérèglements climatiques pour la sécurité internationale : insécurité alimentaire, guerres de l’eau, reconfiguration des littoraux, conflits pour l’accès aux ressources.

La question des compensations

Les pays du Sud sont les plus exposés à ces risques d’instabilité, et en même temps les moins enclins à mettre en place des politiques environnementales ambitieuses étant donné leurs préoccupations de développement. Ainsi au cœur de la négociation se trouve la question de la compensation des pays riches à destination des pays les moins avancés. La responsabilité historique des pays industrialisés dans les émissions de gaz à effet de serre conduit les pays en développement à négocier sur la base de ce déséquilibre. Les émergents, la Chine en tête, jouent pour leur part une position d’intermédiaire : ils font désormais pleinement partie du club des pays industrialisés, sont de gros émetteurs, mais ont tout intérêt à recourir à l’argument de compensation historique. Et en même temps, ils ont conscience que l’effort ne peut pas uniquement reposer sur les pays du Nord, et ont donc intérêt à ce qu’un compromis soit trouvé à Copenhague. L’Union européenne s’est accordée sur l’aide globale à mobiliser pour aider les pays pauvres : un montant de 100 milliards de dollars par an est jugé nécessaire pour les accompagner dans un processus d’adaptation. Reste à déterminer le partage du fardeau entre les pays riches, et là-dessus l’Union européenne n’a pas fixé le montant qu’elle envisage pour sa propre contribution car elle conditionne son engagement à ceux des autres, les Etats-Unis en première ligne, mais également les autres gros Etats pollueurs. Ainsi, outre la question de la compensation, c’est la question de la répartition de cette compensation qui occupe également les débats. A l’échelle de l’Union, les Etats membres ne sont pas parvenus à s’accorder sur leurs efforts respectifs, les pays d’Europe de l’Est faisant valoir leurs positions plus fragiles par rapport aux pays plus riches de l’ouest. Ce qui crée des difficultés à l’échelon européen – club de pays riches – devrait s’exprimer de manière encore plus aiguë entre les délégations à Copenhague.

Un accord politique a minima

Entre les bonnes intentions et l’hypothèse d’un accord international ambitieux, le fossé est important, caractérisé par les traditionnelles tractations pour faire valoir des préoccupations économiques divergentes. L’enjeu est de chiffrer un objectif global de réduction des émissions polluantes, de prévoir un calendrier et de pousser dans le sens d’un système mondial de droits à polluer. On peut se prêter à rêver à un accord juridique contraignant, mais il faut rester lucide : Copenhague est une rencontre d’intérêts nationaux et régionaux. Et de fait, certains gouvernements – Etats-Unis et Chine en tête – seraient plutôt favorables à une logique de subsidiarité privilégiant la gestion d’un objectif global par des dispositifs nationaux. En marge d’un sommet Union européenne / Etats-Unis, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a reconnu qu’il ne fallait pas tant s’attendre à un traité international en bonne et due forme à Copenhague, mais qu’un accord-cadre demeurait possible. Les semaines à venir devraient donner lieu à diverses initiatives visant à focaliser l’attention internationale sur l’agenda climatique. Si Barcelone est l’ultime étape formelle avant la réunion de décembre, il faut s’attendre avant le rendez-vous de décembre à une effervescence politique au plus haut niveau sur la question climatique, et à des initiatives gouvernementales – indépendantes ou collectives – qui permettront d’y voir plus clair sur les positions de chacun. On peut toutefois craindre que l’accord de Copenhague se fasse a minima , et en cela ne réponde pas de manière efficace à un ultimatum climatique qui exige des mesures historiques (1).

(1) « L’ultimatum climatique » est une campagne menée par un collectif d’associations pour sensibiliser les opinions à l’urgence de parvenir à un accord international ambitieux sur le climat (http://www.copenhague-2009.com/)