ANALYSES

Panorama des enjeux des élections anticipées en Grèce

Tribune
2 octobre 2009
Néanmoins, à côté de cela, il faut aussi ajouter la raison officieuse, à savoir une chute libre de la cote de popularité du parti de centre-droit en exercice Nouvelle Démocratie (Nea Dimokratia) – 59% d’espoir de victoire en décembre 2007 contre 14% en septembre 2009 – et de son leader – 57% en septembre 2007 contre 38% en septembre 2009 de la population interrogée considère Caramanlis comme le Premier ministre approprié (1). Cette méfiance fait suite à diverses affaires de corruption, à des bavures policières ou encore aux incendies de forêt de ce mois d’août.

En effet, le gouvernement Caramanlis laisse la Grèce dans une situation socioéconomique peu reluisante. Premièrement, l’économie qui, en plus d’avoir subi les conséquences de la crise économique et financière mondiale, souffre de récurrents et profonds problèmes structurels – mauvaise gestion des dépenses publiques, évasion fiscale, bureaucratie sur-financée – l’empêchant ainsi d’être compétitive. D’après une étude du Forum Économique Mondial, la Grèce est classée à la 71ème position sur 133 pays en ce qui concerne la compétitivité de son économie. Il y a ensuite le taux de chômage qui reste élevé (7,7% en 2008), particulièrement chez les jeunes (au deuxième trimestre 2009, le taux de chômage chez les 15-29 ans atteignait 17,7%). Parallèlement, beaucoup de chômeurs de longue durée sont employés par l’économie grise, laquelle représente aux alentours de 30% du PIB. Celle-ci n’a cessé de se développer dans un contexte de corruption latente et de méfiance à l’égard de l’administration publique.

Par ailleurs, les évènements de décembre 2008 qui ont vu Athènes devoir faire face à des jeunes en colère suite à l’homicide d’un adolescent de 15 ans par un agent de police en fonction, ont mis en exergue le malaise qui existe au sein de la jeunesse grecque quant à son avenir professionnel et à l’incapacité de l’État de répondre à ses attentes. Au même moment, se débattaient au sein du Parlement grec les scandales de corruption au sujet de l’affaire « Siemens » – la filiale grecque de la multinationale payait des commissions à des politiciens en échange de la signature de contrats commerciaux -, de l’affaire « Vatopedi » – une sombre histoire d’échange de terrains entre des membres du gouvernement et le Mont Athos (une République monastique semi autonome située au nord de la Grèce) – et de l’affaire « Pavlides » impliquant un ex-ministre de la mer Égée et des Affaires insulaires qui aurait reçu des pots-de-vin par des armateurs en échange d’un monopole sur certaines voies navigables entre la Grèce continentale et les îles de la mer Égée. Enfin, à ces éléments sont venus s’ajouter les incendies de forêt autour d’Athènes durant l’été, qui ont montré que les responsables politiques sont restés passifs et n’ont tiré aucune leçon des incendies catastrophiques de 2007, dont on sait qu’ils sont pour la plupart d’origine criminelle pour des opérations immobilières.

Ainsi, les défis qui se profilent pour le nouveau gouvernement, qu’il soit conservateur ou socialiste, seront nombreux et difficiles. Il faudra d’abord redresser les finances de l’État en ramenant notamment le déficit public sous la barre des 3%, la dette publique sous la barre des 60%, moderniser l’économie et en finir avec la fraude fiscale. Ensuite et surtout il faudra combattre le phénomène de « la génération 700€ » – le salaire mensuel de toute une génération de diplômés universitaires -, tenter de réduire le chômage, surtout chez les jeunes, résoudre la question de la réforme de l’enseignement et des pensions, source de débats houleux, et faire face à la persistance d’un terrorisme (de l’ultra gauche). Enfin, il devra mettre sur pied une vraie politique environnementale qui passera par la création d’un ministère de l’Environnement – l’environnement dépendant actuellement du ministère des Travaux publics. Quant à son rôle sur la scène internationale, le nouveau gouvernement devra sans doute prendre des décisions délicates, en décembre, lors du Conseil européen qui se prononcera sur le bilan des progrès accomplis par la Turquie vers son adhésion à l’Union européenne, mais devra aussi tout mettre en œuvre pour parvenir à une solution définitive de son différend avec l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM). Ce dernier perdure depuis 1991, date à laquelle l’ARYM a proclamé son indépendance sous le nom de « République de Macédoine ». La Grèce (dont une des régions s’appelle justement Macédoine) requiert de son voisin, qu’il adopte une dénomination comportant une identification géographique du terme « Macédoine » et qu’il rejette toute appropriation historico-culturelle propre à l’héritage macédonien grec, comme il l’a fait en dénommant « Alexandre le Grand » l’aéroport de Skopje, capitale du pays.

Quant aux intentions de vote, d’après un sondage datant du 17 septembre 2009 (2), la victoire serait donnée aux socialistes avec 41,5% des voix (153 sièges sur 300), la Nouvelle Démocratie remporterait 35,5% des voix (97 sièges), le Parti Communiste (KKE) resterait stable avec 8% (23 sièges), la Coalition de la Gauche Radicale (SYRIZA) perdrait des députés au sein du Parlement (4%, 11 sièges) – conséquence probable de ses querelles internes et d’une politique assez floue – , le parti nationaliste (LAOS) quant à lui verrait sa représentation au Parlement augmenter (6%, 16 sièges) en récupérant notamment les ‘déçus’ de la droite conservatrice et enfin, le parti les Verts (Ikologi Prasini) devrait rester sous la barre critique des 3% (2,5%) et ne ferait donc pas son entrée au Parlement grec. Sans doute ces tendances se verront-elles globalement confirmées sans grande surprise lors de ce 4 octobre 2009, jour des élections. Cependant, si pour le PASOK la suprématie semble être confirmée, il n’en va pas de même pour sa majorité absolue en terme de sièges, ce qui pourrait entraîner le pays dans une période d’instabilité politique, les alliances entre partis n’étant pas dans les mœurs politiques de la Grèce. .

(1) Sondages publiés par Public Issue.
(2) Sondage publié par Public Issue.