ANALYSES

Référendum irlandais sur le Traité de Lisbonne : J-1 pour l’Acte II

Tribune
1 octobre 2009
Nouveau contexte, texte nouveau ?

A l’exception notable du Sinn Féin, le gouvernement irlandais peut compter cette fois-ci sur le soutien de la majeure partie de la classe politique. Les derniers sondages confortent ce mouvement favorable à la victoire du « oui », sans que l’on puisse parler pour autant de consensus national. Après une importante période de réflexion nationale, les Irlandais sont certes invités à exprimer une seconde fois leur volonté de ratifier le traité de Lisbonne, mais dans un nouveau contexte économique et politique. D’abord, en pleine crise économique, la manifestation de l’attachement du peuple irlandais à l’Union européenne est teintée d’un certain pragmatisme (l’Union étant encore associée à l’idée de « protection » voire de croissance économique, alors que le PIB irlandais devrait baisser de 7,7% en 2009). Ensuite, sur le plan politique, le gouvernement irlandais – et plus particulièrement son Premier ministre Brian Cowen – a décidé de prendre le risque d’organiser un nouveau référendum, à la demande pressante de ses partenaires, dont il a obtenu une série de garanties significatives, officialisées lors du Conseil européen des 18 et 19 juin 2009. Celles-ci n’aboutissent pas à de nouvelles clauses d’exemption et à la modification proprement dite du traité de Lisbonne. Ces « garanties » consistent en un ensemble d’engagements et clarifications sur un certain nombre de préoccupations qu’avait exprimé le peuple irlandais lors du premier référendum, soit : le maintien d’un commissaire irlandais, le Conseil européen ayant décidé que si le traité de Lisbonne entre en vigueur, la Commission devra continuer de comprendre un national de chaque État membre ; la confirmation de son statut de neutralité dans le cadre de la politique de sécurité et de défense de l’Union ; l’assurance que le Traité de Lisbonne ne modifiera pas la compétence fiscale de l’Union ; le respect des dispositions de la Constitution irlandaise concernant le droit à la vie, l’éducation et la famille. Pour autant, ces garanties sont des signaux dont la force politique contraste avec leur signification et leur portée juridiques. Par exemple, malgré l’engagement d’adopter un futur protocole reproduisant le texte de la décision relative aux préoccupations du peuple irlandais lorsque le prochain traité d’adhésion à l’Union sera conclu et soumis à ratification, ledit protocole n’en devra pas moins être soumis à ratification unanime… Autrement dit, ces « garanties irlandaises » ne sont pas juridiquement acquises !

Un référendum national, un « évènement supranational »

Le référendum du 2 octobre est tout sauf un évènement politique purement national. Les institutions de l’Union sont mobilisées, tandis que les résultats du référendum irlandais auront des répercussions directes sur la décision finale de certains Etats membres. En effet, deux autres ratifications sont particulièrement attendues : celles de la République Tchèque et de la Pologne. Certes, la Diète polonaise (en avril 2008) et le Parlement tchèque (en mai 2009) ont chacun donné leur accord, et ce à une large majorité. Toutefois, la ratification du traité est désormais soumise à la signature de leur président de la République respectif. Or, ces derniers – réputés eurosceptiques – ont suspendu l’approbation du texte à un vote favorable des Irlandais. La victoire du « Non » en Irlande signerait donc l’acte de décès du traité de Lisbonne. En revanche, dans l’hypothèse de la victoire du « Oui », la dynamique créée pourrait entraîner les ratifications définitives de la Pologne et de République Tchèque. L’hypothèse d’une entrée en vigueur du traité de Lisbonne avant fin 2009 ne serait plus exclue.

Le référendum irlandais engage l’avenir de l’Union. Il reflète également l’une des tensions immanentes à la construction européenne. Si ce référendum est si crucial, c’est notamment parce que toute réforme fondamentale de l’ordre institutionnel, politique et juridique de l’Union est conditionnée par la règle de l’unanimité, expression de la souveraineté des Etats membres. Le caractère prégnant de cette logique interétatique fait peser une épée de Damoclès sur chaque avancée conventionnelle de l’intégration européenne, dont l’histoire est précisément rythmée par des crises systémiques.