ANALYSES

Crises politiques contemporaines et crimes de guerre dans les Balkans : promouvoir la transparence judiciaire et éduquer les journalistes

Tribune
11 septembre 2009
Les participants ont débattu de la transparence judiciaire et d’un journalisme fiable, objectif et opportun concernant les crimes de guerre commis dans les années 1990, ainsi que des institutions et des mécanismes en charge de ces crimes.

Alors que le mandat des juges du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) prend fin en décembre 2010, la tâche du Tribunal sera reprise dans les différentes cours nationales, opérationnelles depuis plusieurs années dans des pays tels que la Bosnie-Herzégovine, la Croatie ou la Serbie, pour ne mentionner que les principaux Etats représentés à la conférence. A l’origine, ces cours s’occupaient principalement de cas transférés depuis le TPIY. Aujourd’hui, les procès sont également menés selon la législation de chaque Etat. Les progrès, cependant, varient d’un gouvernement à l’autre, étant entendu que les autorités de Bosnie-Herzégovine sont, et de loin, les plus avancées en la matière. La prochaine étape, « sisyphique », est celle de la coopération judiciaire. A cause de la législation pénale, qui diffère entre chaque pays (et entre les deux entités de la Bosnie-Herzégovine), et des constitutions empêchant l’extradition, la collaboration trans-nationale n’évolue que lentement.

Des institutions et des procédures judiciaires efficaces sont cruciales au progrès et à la stabilité dans la région, mais ne peuvent être mises en place sans le soutien de la population. Les cours sont des institutions qui restent relativement inaccessibles à la société, malgré leur mission de servir le public. Le TPIY a appris cette leçon dans les années 1990, lorsque son manque de visibilité a conduit à donner une image très controversée à travers l’Europe du Sud-Est. Alors que certains arguaient de verdicts trop prudents, d’autres l’accusaient de préférences ethniques. Malgré plusieurs rapports qui ont révélé ces accusations sans fondements, les media de masse ont joué un rôle néfaste en disséminant les rumeurs. Les participants – dont des juges nationaux issus de chambres spéciales pour les crimes de guerre, des représentants internationaux du Tribunal de La Haye ainsi que des acteurs régionaux et des journalistes – ont tous souligné ce manque de transparence dans leurs discours, exposés et débats. Néanmoins, des initiatives ont été prises afin de renforcer les stratégies de sensibilisation du public de la part des cours locales, afin d’éduquer non seulement la société, mais aussi les media en général. Plusieurs intervenants ont exprimé leur inquiétude face au manque de professionnalisme et de formation des journalistes, qui crée des enquêtes balbutiantes et généralement insatisfaisantes. De plus, le rôle des media est problématique à cause d’une politisation considérable. Dû à un personnel limité, les journalistes des grands media ont tendance à récupérer et à publier telles quelles les vues des personnalités politiques, au lieu de collecter directement l’information auprès du système judiciaire et de son service de presse.

Sans aucun doute, cette conférence a été l’occasion de rappeler à tous la quantité de travail encore à accomplir ; mais elle a aussi offert un soutien pratique. Un atelier, tenu le dernier jour, a tenté d’apporter l’impulsion nécessaire à la promotion d’un code de conduite pour les journalistes, afin d’améliorer les relations entre le système judiciaire et l’(im)populaire quatrième pilier de la société. Des voix critiques se sont élevées pour souligner que ces efforts ne sont qu’un commencement et qu’un élan supplémentaire doit être fourni si l’on veut parvenir à un réel changement, qui s’imprimera de façon durable dans la région. Les cours par exemple, malgré le travail de relations publiques effectué par les porte-paroles judiciaires qui mettent en avant la transparence et l’accessibilité au public, ont toujours un discours incomplet sur leur tâche pourtant cruciale. De plus, l’accès de la société civile au processus judiciaire, comme les audiences, s’est amélioré en théorie, mais doit encore être concrétisé, afin d’expliciter son fonctionnement aux citoyens. Malgré les difficultés, la vague d’ateliers et de sessions de formation qui inclut les journalistes de la région illustre la volonté de résoudre ces problèmes. Avec l’aide d’acteurs internationaux tels que l’OSCE, mais aussi d’institutions étatiques et d’organisations civiles, ces efforts s’effectuent de plus en plus du bas vers le haut, la communauté internationale se positionnant en simple observateur et médiateur plutôt qu’en interventionniste omniscient.