ANALYSES

Sarkozy à l’ATTAC

Tribune
26 août 2009
La Conférence annuelle des ambassadeurs est le temps fort pour l’énonciation, par le président, de la politique étrangère française. Dès le premier exercice, en 2007, Nicolas Sarkozy insistait idéologiquement sur l’appartenance de la France au monde occidental et sur l’amitié indéfectible à l’égard d’Israël. Mais son pragmatisme le conduisait à prendre acte de l’émergence d’autres pôles de puissance, à évoquer la nécessité d’élargir le G-8 à ces dernières et à donner au conflit israélo-palestinien un caractère central dans les relations internationales –
contrairement aux amis les plus inconditionnels d’Israël qui plaident pour le qualifier de portée limitée et régionale, et dont le règlement n’était donc pas une urgence.

En 2009, pour ce troisième exercice de discours à la Conférence des ambassadeurs, tenant compte de l’éclatement de la crise financière et de l’élection de Barack Obama, Nicolas Sarkozy a été encore plus loin que ne l’avait été Jacques Chirac. Dénonçant une forme de capitalisme « fondé sur la spéculation qui menacerait de mort l’économie réelle », il a dressé l’acte de décès d’une mondialisation où « les acteurs du marché imposaient leur loi et où tout était devenu objet de spéculation ». Un altermondialiste n’aurait pas dit mieux. Lui qui était présenté comme ultra-libéral avant son élection n’a pas hésité à célébrer le rôle de l’Etat dans les relations internationales, affirmant que c’était les Etats qui s’étaient retrouvés seuls face à leurs responsabilités pour gérer la crise de l’automne 2008, avec un accent très gaulliste. « Depuis un an, l’Etat a retrouvé toute sa place, il doit la conserver en n’hésitant pas à montrer le chemin d’une nouvelle régulation mondiale ».

Indiquant que la France allait proposer aux pays du G-20 de nouvelles règles de transparence, de gouvernance, et de responsabilité (encadrement des bonus, lutte contre les paradis fiscaux, régulation du prix de l’énergie) et même prévoir des sanctions à l’égard des banques qui ne joueraient pas le jeu, il a carrément fait appel au « tribunal de l’opinion publique internationale » (terme qui ne figurait pas dans le discours écrit). Là encore, ajoutant une phrase non contenue dans le discours écrit, il a déclaré qu’un monde multipolaire ne pouvait avoir qu’une seule monnaie, remettant ainsi implicitement le rôle du dollar comme monnaie internationale.

Il a, de surcroît, annoncé non seulement l’acte de décès du monde unipolaire « Dans un monde globalisé, aucune puissance ne peut régler seule les problèmes », mais aussi celui de la domination du Nord puisque, selon lui, la Chine, l’Inde et le Brésil sortiront plus haut de la crise et qu’il faut en tenir compte.

« Une gouvernance globale efficace est une nécessité absolue ». Il a même indiqué que le G-8 serait transformé en G-14 au plus tard sous la présidence française de 2011.

Sur le conflit israélo-palestinien, il a été encore plus clair que les années précédentes. Il est vrai qu’à partir du moment où Obama a placé sur l’agenda le problème de la colonisation, il ne pouvait pas être en retrait. Il a réaffirmé que l’idée selon laquelle le conflit israélo-palestinien était un conflit régional était fausse car il concernait le monde entier. Pour ce conflit, au moment où Israël essaye de gagner du temps, il a martelé que « le temps n’était pas notre allié mais notre juge » et il a émis le souhait qu’il y ait « un gel précis et complet de la colonisation » et une relance de la négociation, indiquant que cela serait une erreur de penser que l’on peut poursuivre la colonisation et espérer la paix, en rappelant que la création d’un Etat palestinien était un axe fort de la politique française.

Sur le rôle du dollar ou la colonisation, Jacques Chirac n’a jamais tenu de propos aussi forts. S’il l’avait fait, il aurait subi une vague d’attaques sur son antiaméricanisme et son anti-israélisme. Gageons que Nicolas Sarkozy ne subira pas ce type de critiques.

Sarkozy peut-il être aussi net parce que parallèlement il a martelé son amitié pour les Etats-Unis et Israël ? Ou parce que l’époque a changé sous le double effet de la crise et de l’élection d’Obama ?

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