ANALYSES

Lettonie : Le cinquième anniversaire de l’adhésion à l’UE éclipsé par la crise

Tribune
25 mai 2009

Pour rattraper son retard économique, cette ex-république soviétique s’était tournée principalement vers la finance. Ses taux de croissance records semblaient lui donner raison. Dès 2007, cependant, les économistes du FMI avertissent les autorités d’un risque d’emballement et les enjoignent à brider la croissance financière. Malgré ces avertissements répétés, les dirigeants perdent le contrôle de cette économie en pleine surchauffe. Le système bancaire et financier letton se retrouve sévèrement touché par la crise américaine. La dépendance aux capitaux étrangers (suédois notamment) et les conséquences d’une économie tournée vers le crédit, ont raison de la combativité du tigre baltique.

La Lettonie doit dorénavant négocier le soutien du FMI pour éviter la faillite. Des réformes dures sont imposées, et vont alimenter les rancœurs à l’égard des politiciens, dont l’image est depuis longtemps désastreuse. Les conditions drastiques du FMI de maintien du déficit public en dessous des 5% du PIB ont des conséquences particulièrement néfastes. La réduction des dépenses publiques visent tout d’abord les dépenses sociales. Le ministère de la Famille et de l’Intégration est supprimé. Le ministère de l’Education annonce une suppression de 2000 à 4000 postes d’enseignants pour la rentrée scolaire 2009. Le ministre de la Santé parle d’une baisse des salaires du personnel hospitalier de 20%. Seuls 24 des 59 hôpitaux en fonctionnement continueront d’opérer en 2013. La plupart des syndicats parlent de braderie et reprochent aux dirigeants d’avoir vendu leur pays pour 7,5 milliards d’euros. Certains Lettons, à l’humour corrosif, signent une pétition proposant que Roman Abramovitch, riche oligarque russe, rachète le pays. D’autres proposent plus simplement de devenir une région suédoise.

Le gouvernement, remanié quelques semaines auparavant, hérite d’une situation sociale particulièrement tendue. Ses membres ont probablement encore en tête les émeutes de janvier, lorsqu’une manifestation pacifique dégénère. Le Parlement est alors littéralement assiégé, et les dégâts sont colossaux. Quelle série d’humiliations pour ce pays qui, selon un ancien ministre des Affaires étrangères letton, Artis Pabriks, « [La Lettonie] n’est pas et ne doit pas devenir une source de problèmes pour la communauté internationale sous le prétexte de ne pas réussir à gérer ses propres affaires ».

La situation économique est désastreuse et ne cesse d’empirer. Les chiffres d’avril en témoignent. La Lettonie rejoint l’Espagne en tête des classements des pays européens les plus touchés par le chômage : 16,1% de la population active et 29,3% des moins de 25 ans sont sans emploi. Les estimations du PIB prévoient une baisse de 2 milliards de lats (environ 6 milliards d’euros), soit 12% du PIB de 2008 (en prix constants). Il retomberait ainsi en dessous du niveau de 2007, niveau qu’il ne retrouverait pas avant 2016. La monnaie nationale, le Lat, est maintenant directement visée par les marchés. La Deustche Bank a récemment émis le souhait de forcer la Lettonie à dévaluer sa monnaie, après avoir converti en lats les 85% de dettes lettones libellées en euro. Cette option est fortement rejetée par le gouvernement, par la Commission européenne, et par d’autres partenaires dont la Suède. Cette dernière a récemment réaffirmé à Riga son soutien au niveau européen. Sa voisine scandinave est en effet le premier investisseur dans la région et ses banques y sont massivement implantées. Une seconde solution serait de faire entrer au plus vite la Lettonie dans l’Euro, la protégeant ainsi de toute déconvenue monétaire. Mais la BCE et la Commission européenne s’opposent fermement à cette idée. Ils craignent en effet de déstabiliser la monnaie unique.

La prochaine visite du FMI en juin aura un caractère décisif. Le recul du PIB s’avère plus sévère que prévu, et le taux de déficit autorisé apparaît de plus en plus intenable. Les Lettons souhaitent donc renégocier les accords passés, et élargir ce taux, pour enfin avoir accès aux fonds promis. Le FMI pour sa part, n’envisage en revanche pas cette solution et se range pour l’abandon de l’arrimage du Lat à l’Euro puis de sa dévaluation. Mais, une telle option aurait des conséquences catastrophiques pour les pays baltes, car elle les obligerait à dévaluer eux aussi leurs monnaies. La Lettonie se retrouve donc aujourd’hui au centre d’une situation complexe, dont les conséquences pourraient dépasser largement son simple cadre intérieur. Les prochaines semaines et les prochains mois vont être extrêmement importants. Le 1er mai 2009 quant à lui, est une date déjà oubliée.