ANALYSES

Norvège : la droite populiste bientôt au pouvoir ?

Tribune
27 avril 2009
Car si la prospère Norvège a pris soin d’épargner les revenus de la rente pétrolière depuis près de vingt ans (1), une part croissante de la population aimerait voir dès à présent les fruits de cette cagnotte. L’Etat providence n’est selon eux pas digne d’un pays aussi riche, avec des hôpitaux, des écoles ou des routes en mauvais état. Le Parti du Progrès s’est ainsi construit parallèlement à la montée de cette grogne, promettant une redistribution immédiate de la rente pétrolière et la baisse massive des taxes, notamment sur les produits pétroliers (2).

Ce petit pays de 4,5 millions d’habitants s’inquiète également de plus en plus d’une immigration croissante (principalement d’origine irakienne et pakistanaise (3)). Le Parti du Progrès n’hésite pas à brandir la menace terroriste et assimile facilement religion musulmane et islamisme radical. Le 2 mars 2009, Mme Siv Jensen, déclarait très simplement que « la lutte contre l’islam radical est aussi importante que la lutte contre le nazisme ». L’un des refrains préférés du Parti du Progrès est de dénoncer « l’islamisation cachée » du pays et il a clairement établi qu’il interdirait l’entrée sur le territoire des personnes sans ressources ou encore analphabètes.

Il est vrai que la population est désormais très sensible à ces questions. En témoignent les sondages effectués début mars, en plein débat national sur le port du hijab dans la police (4), dans lesquels le Parti du Progrès progressait nettement au dépend des Travaillistes. Le 18 mars, un sondage plaçait ainsi le Parti du Progrès en tête avec 30,9% des intentions de vote, contre 28,4 au Parti Travailliste. Et Siv Jensen de jubiler : « C’est clair que nous avons gagné sur le débat de l’immigration et de l’intégration ».

Le Parti du Progrès a adopté une stratégie très offensive, utilisant au maximum l’espace médiatique, comme lors de cet appel à la dénonciation publique des stations services les plus chères, et ne rechigne pas aux attaques personnelles. Le Premier Ministre travailliste, Jens Stoltenberg, en fait fréquemment les frais : « Il est lâche, faible, et se comporte comme un tricheur qui manque de courage », selon Siv Jensen.

Entre temps, les forces de la droite traditionnelle ont, elles, fondues comme neige au soleil. Le Parti Conservateur n’est plus crédité que de 13% des intentions de vote. Néanmoins, le Parti du Progrès aura besoin de son soutien s’il veut vaincre la coalition sortante de centre-gauche. Un temps engagé dans cette voie, les conservateurs en semblent de moins en moins convaincus à mesure que le Parti du Progrès radicalise et « racialise » son discours.

En 2000, le parti de Jörg Haider avait recueilli 26,9% des voix avant d’entrer au gouvernement autrichien, suscitant l’indignation générale en Europe. Jean-Marie Le Pen avait lui atteint le deuxième tour des présidentielles françaises avec « seulement » 16,86% des voix. Pour mémoire, la Norvège est encore le pays « où il fait le mieux bon vivre au monde » selon l’ONU.

(1) Constituant un Fonds souverain visant à financer les retraites et pesant à l’heure actuelle quelques 225 milliards d’euros.
(2) Cinquième exportateur mondial de pétrole, la Norvège affiche pourtant les troisièmes prix à la pompe les plus élevés au monde.
(3) Si l’on omet le fait que la moitié des immigrés en Norvège sont… suédois.
(4) Un temps autorisé, le gouvernement est finalement revenu sur cette décision.