ANALYSES

Européennes 2009 : La communication au secours de la participation

Tribune
31 mars 2009
« Panneaux présentant des thèmes comme l’énergie, les carburants et le changement climatique, l’alimentation et l’agriculture, l’égalité des chances, les frontières et l’immigration, etc. », « supports tridimensionnels installés dans les rues en complément des posters et couvrant l’énergie, les frontières et l’immigration, la protection des consommateurs et la sécurité », « eurostudios », « clips télé et messages radio », « site Internet des élections », «~utilisation de médias sociaux (MySpace, Facebook, Flickr et EU Tube)~»
Site du Parlement européen consacré au scrutin de juin 2009 : http://www.europarl.europa.eu/elections2009/default.htm?language=FR
etc., autant de supports de communication qui devraient permettre au Parlement européen de présenter les mêmes dispositifs visuels, de diffuser un même discours et de marteler le même slogan de campagne à l’ensemble des citoyens européens : « A vous de choisir ». Comme une tentative de responsabilisation des citoyens européens, en leur suggérant que de leur choix dépendrait les rapports de force politiques au Parlement européen, la nature des textes qui y seront adoptés et donc, potentiellement, les orientations de la politique menée par le futur exécutif communautaire. A défaut de refléter la réalité du fonctionnement du Parlement européen, et plus globalement du système politique de l’UE, c’est en tout cas le message qu’une telle campagne entend promouvoir : non seulement persuader les citoyens européens qu’ils peuvent être des acteurs influents de l’UE, mais aussi leurs signifier qu’il existe une « offre et une game » de choix politiques potentiellement différents pour le devenir de l’UE.

Outre le fait de placer la question du « choix » au cœur de sa stratégie de communication, le Parlement européen répète également un slogan similaire à celui d’autres acteurs communautaires : rapprocher les citoyens des institutions européennes tout en faisant la pédagogie de son action. Pour ce faire, le « plan de com’ » du Parlement européen, dont le budget s’élève à environ 18 millions d’euros, a été confié à l’agence de communication allemande Scholz & Friends, qui avait remporté l’appel d’offres lancé à cet effet. Cette campagne de communication institutionnelle, qui se veut transnationale, c’est-à-dire unique pour l’ensemble des 27 Etats membres, n’entend évidemment pas prendre partie en faveur des forces politiques qui se présenteront aux élections, mais elle a pour ambition de contribuer à informer et sensibiliser les citoyens européens au rôle grandissant du Parlement européen et donc sur l’importance que revêt la participation aux élections du mois de juin pour le futur de l’UE.

Inverser la courbe de la participation aux élections européennes, c’est là, finalement, le véritable enjeu de cette campagne de communication, par-delà le message relatif au « choix des citoyens européens » que la campagne entend faire passer. Alors que l’élection au suffrage universel direct du PE fête ses 30 ans, le taux de participation aux élections européennes n’a cessé de décliner depuis 1979
Une tendance que semblent confirmer de récents sondages d’opinion relatifs aux prochaines élections européennes, notamment en France. Voir le sondage de l’institut LH2 publié le 6 mars 2009 : http://www.lh2.fr/_upload/ressources/sondages/politique_nationale/envoi06mars09.pdf
, affectant d’autant la légitimité d’une institution qui ne cesse pourtant de voir ses pouvoirs renforcés au sein de l’UE.

Communiquer, participer, choisir : et après ?

Communiquer pour pousser à participer donc, communiquer, à l’image de ce qu’a entrepris la Commission européenne depuis les rejets du traité constitutionnel européen en 2005
S’agissant de la politique de communication de la Commission européenne, on pourra se référer, entre autres, aux documents suivant : en juillet 2005, http://ec.europa.eu/dgs/communication/pdf/communication_com_fr.pdf ; en octobre 2005, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2005/com2005_0494fr01.pdf ; en octobre 2007, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2007/com2007_0568fr01.pdf
, pour faire comprendre aux citoyens européens la réalité de l’action de l’UE, comme si les déterminants des votes ou des attitudes de défiance à l’égard de l’UE ces dernières années n’étaient que le fruit de l’ignorance, qu’un peu de pédagogie pourrait satisfaire. Ainsi, l’expression de choix politiques différents de ceux des acteurs européens lors des référendums de 2005 ou 2008 semble se traduire, en langage communautaire, par la nécessité de communiquer plus et d’expliquer mieux l’action politique de l’UE pourtant contestée par les urnes – comme une manière de nier la réalité de ces gestes et de dépolitiser leur portée.

Et pourtant, on n’a jamais autant expliqué l’« Europe » qu’à l’occasion des référendums de 2005 ou de 2008 en Irlande, tandis que l’UE n’a jamais mobilisé autant de moyens en matière de communication pour expliquer son action. De là, peut-être, les doutes quant à l’ambition réelle de la campagne de communication du Parlement européen. Car si, à l’occasion des élections de juin, l’agence de communication en charge de la stratégie de communication du Parlement européen a décidé d’axer son message sur le « choix » dont disposeraient les citoyens européens, le message qu’elle entend instiller se heurte cependant à des réalités politiques, à des contraintes juridiques, ainsi qu’à des logiques institutionnelles nationales et européennes qui apparaissent comme autant de limites à l’expression et à la prise en compte véritable de ce choix.

Sans revenir sur les référendums de 2005 ni sur le nouveau référendum organisé en Irlande, sans questionner la catégorie politique formée par le couple majorité/opposition au Parlement européen, problématique en soi, et sans préjuger enfin des marges de manœuvre réelles de la Commission européenne pour orienter différemment ses politiques, on pourrait mentionner, parmi ces limites, celle qui consiste à ne pas faire dépendre la nomination du futur président de la Commission européenne par les chefs d’Etat et de gouvernement de la majorité politique qui ressortira des urnes au début du mois de juin. Comment, en effet, inciter à la mobilisation électorale et pousser à la politisation du scrutin, et donc de l’UE, lorsqu’on apprend, au fur et à mesure que les responsables politiques européens s’expriment à ce sujet, que l’on s’achemine vers la reconduction de l’actuel président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, à son poste, sans tenir compte donc des rapports de force politique qui s’exprimeront dans un peu plus de deux mois au sein du nouveau Parlement. Pour le dire autrement, comment accorder du crédit à une campagne de communication en faveur de la participation aux élections européennes qui met l’accent sur la diversité des choix qui s’offre aux citoyens et sur l’influence politique potentiel d’un tel vote, lorsque l’on connaît bien avant le vote la personnalité qui occupera la fonction exécutive de président de la Commission européenne, et ce donc, par-delà les choix politiques que les électeurs pourraient exprimer.

Que nombre de leaders européens de gauche, à l’image de Gordon Brown ou de José Luis Zapatero, se soient déjà prononcés en faveur de la reconduction de l’actuel président de la Commission à son poste, que de nombreux leaders de droite se soient prononcés en faveur d’un membre de leur famille politique, et c’est le système européen qui fixe les limites à sa propre politisation et à sa propre démocratisation en quelque sorte. Politisation et démocratisation de l’UE, deux slogans qui, pourtant, une fois encore, seront certainement repris comme un leitmotiv par l’ensemble des forces politiques européennes au cours de la campagne électorale.