ANALYSES

L’Otan a 70 ans: entre « menace russe » et hausse des dépenses militaires en Europe

Presse
3 avril 2019
Le jeudi 4 avril, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) fête ses 70 ans lors d’une célébration discrète sur deux jours à Washington, réunissant des représentants de ses 29Etats-membres. En sept décennies, l’alliance a connu plusieurs phases et se retrouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Critiquée y compris par certains de ses membres –dont les Etats-Unis– et restée en retrait dans le conflit contre l’Etat islamique dans la zone irako-syrienne, l’organisation reste malgré tout en première ligne face à la menace (réelle ou supposée) russe. Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), estime que l’Otan, si elle reste source d’interrogations, est loin d’être en crise.

Alors que la menace russe est plus forte qu’il y a dix ans, et que l’Otan semble légitime pour y faire face, l’organisation est critiquée par certains dirigeants de ses pays membres, dont Donald Trump parmi les premiers d’entre eux. Pourquoi ce paradoxe? Est-ce un signe de faiblesse ?

Globalement, les Européens soutiennent l’Otan. Donald Trump critique l’Otan car il estime surtout que celle-ci est un frein à la politique américaine, une vision typique de son refus du multilatéralisme. Et, indirectement, ces critiques se dirigent contre l’Europe.
Mais ces critiques ne sont guère inquiétantes pour l’Otan, une structure qui a une vie en propre et est forte de 10.000 personnes travaillant pour elle. Et la menace russe lui donne justement une importance particulière en cette période. On ne peut donc pas parler de faiblesse. On est loin des grandes périodes de crise qu’a connu l’Otan notamment à la fin des années 1990 ou après la mission en Afghanistan qui avait été un échec.

L’Otan n’a joué qu’un rôle mineur dans la guerre contre l’Etat islamique, et est aujourd’hui principalement présent au Kosovo, loin des préoccupations apparentes de l’Europe de l’Ouest ou des Etats-Unis. Cela a-t-il nui à la crédibilité de l’organisation ?

L’Otan est resté en retrait considérant que la zone irako-syrienne n’était pas un secteur d’intervention de l’organisation, et que cela pourrait surtout conduire à des complications avec la Russie. Les pays de l’Otan ont donc considéré qu’il était mieux de conserver une position neutre et d’intervenir sur place via des coalitions internationales qui, paradoxalement, sont constituées de pays membres de l’Otan.

Dix ans après, quel bilan la France peut-elle tirer de son retour dans le commandement intégré de l’Oran ?

Le bilan est positif sur le plan de l’implication de la France qui a pu développer sa doctrine militaire et ses capacités en opérations. Il est plus mitigé sur le plan politique où Paris a finalement une influence assez faible, a du mal à définir des positions, et souffre aussi de la défiance de ses partenaires européens.
Les discours d’Emmanuel Macron mettent surtout en avant le développement de l’influence de l’Union européenne, ce qui est perçu comme une volonté d’affaiblir l’Otan pour développer une politique européenne de la défense qui serait centrée autour de la France. Une vision d’ailleurs discutable car un raffermissant de l’Union européenne profiterait à l’Otan.

Quelle place pourra prendre l’Otan dans l’avenir proche ? La Russie est-elle le principal objectif dans le collimateur ?

La principale question, est, sans surprise, celle de la politique de « réassurance » visant à déployer du matériel en Europe de l’Est, avec en arrière-plan la question de la hausse des dépenses militaires en Europe qui sont en hausse.

L’Otan doit aussi faire face à ce qui est au mieux une nuance, et au pire une divergence, entre ses membres, entre une Europe du Nord ou de l’Est qui considèrent clairement Moscou comme une menace, la France ou l’Allemagne qui estiment qu’un dialogue stratégique doublé d’une dissuasion doit être maintenu, et des pays d’Europe centrale ou l’Italie qui pense que la Russie n’est absolument pas un danger.
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