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Visite de Xi-Jinping en France: «Il y a trop de divergences pour parler d’un couple Europe-Chine»

Presse
25 mars 2019
Le président chinois Xi Jinping entame une visite en France avec en toile de fond la coopération Europe- Chine. Ce mardi, il sera d’ailleurs en compagnie d’Emmanuel Macron, Angela Merkel et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

On parle beaucoup du tandem Etats-Unis/Chine ou de Etats-Unis/Europe, mais plus rarement du duo Chine/Europe. Est-il moins important ?

La focale sur les Etats-Unis et la Chine se fait sous le prisme des guerres commerciales qu’ils se livrent et des conflits économiques entre eux. On en parle beaucoup en raison des divergences. Quant aux Etats-Unis et l’Europe, ce sont deux alliés historiques. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut sous-estimer le duo européano-chinois. L’Union Européenne est le premier partenaire du géant asiatique, et dans les dix-quinze dernières années, il y a eu une flambée des investissements directs chinois en Europe et plusieurs acquisitions.

Peut-on parler d’un couple chino-européen ?

Cela serait fortement s’emballer. Il y a trop de divergences, économiques et politiques. Dans une note, la Commission Européenne la désigne comme « un rival direct » et un « concurrent stratégique ». Même au sein de l’Union européenne, les différents pays n’ont pas du tout les mêmes rapports avec la Chine.

Pour autant, il est vrai qu’il y a un vrai dialogue entre les deux géants économiques, et qu’il existe de nombreux projets communs, sur le numérique, sur le militaire, et surtout sur la question environnementale.

On voit que les situations sont de moins en moins au beau fixe avec les Etats-Unis, que ce soit de la part de l’Europe que de la Chine. Est-ce que cet éloignement de l’Amérique peut favoriser une meilleure entente entre la Chine et l’Union Européenne ?

C’est certain qu’il ne faut pas sous-estimer l’impact des tensions avec les Etats-Unis. Là-bas, beaucoup s’en inquiètent d’ailleurs, et de nombreux démocrates interpellent le gouvernement sur un retrait trop massif dans cette relation à trois qui pourrait favorise une entente uniquement à deux.

De plus en plus d’entente, d’accord, mais n’y aura-t-il pas toujours un plafond de verre avec la Chine du fait de son système politique, contraire aux valeurs que porte l’Union Européenne ?
C’est presque une question existentielle pour l’Europe. D’un côté, il y a les évidentes opportunités qu’offre une relation accrue avec la Chine. Il s’agit quand même du premier marché mondial et le pays qui influence le plus l’économie du monde. Coopérer, c’est clairement un boost pour les économies européennes et tout les invitent à se rapprocher du juteux géant. Mais de l’autre côté, il y a ce système politique, cette tension avec Taïwan, ces infractions aux droits de l’Homme, etc.
Encore plus que ces considérations morales, c’est surtout comment la politique chinoise se répercute sur son marché économique qui bloque vraiment l’Europe. Cela reste un marché incertain et surtout fermé aux investissements étrangers, ce qui forcément ne fait pas que des heureux…

Justement, on entend beaucoup que la Chine s’implante en Europe. Le contraire n’est pas vrai ?

Historiquement, c’est l’Europe qui s’est implanté en Chine, et non l’inverse. En 1979, avec la libéralisation des capitaux, l’Europe investit beaucoup dans le pays asiatique. Mais la tendance s’est inversée. Comme dit précédemment, la politique chinoise se répercute parfois mal dans son économie, notamment avec une certaine opacité d’un autre âge de son marché intérieur. Il est devenu difficile de s’y implanter, notamment dans le marché très porteur des nouvelles technologies où l’Europe aimerait investir. C’est notamment cela qu’Emmanuel Macron pointait lorsqu’il évoquait un « besoin de réciprocité ». La Chine ne peut pas être aussi importante sur le marché mondial tout en se fermant aux investisseurs étrangers.

Mais la Chine ne profite-t-elle pas de son statut de géant incontournable pour imposer ses décisions ?

On pourrait le penser, notamment quand on voit à quel point son économie est devenue essentielle pour des pays frontaliers, qui se retrouvent dans une situation de quasi-vassal tant ils sont dépendants. C’est également le cas de certains petits pays européens, et on ne sait pas s’ils pourraient se permettre de critiquer la Chine en cas de dérive de sa politique au vu de l’importance qu’elle a dans leurs économies. C’est de cette situation que l’Europe doit se méfier.

 

Propos recueillis par Jean-Loup Delmas
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