ANALYSES

Ni l’Inde ni le Pakistan n’ont « intérêt à transformer l’accrochage en véritable guerre »

Presse
28 février 2019
Cette crise entre les deux pays diffère-t-elle des précédentes ?

Trois guerres ont eu lieu entre l’Inde et le Pakistan depuis 1947 et de nombreux accrochages se sont produits en 1999 près de la ligne actuelle (appelée Kargil) qui sépare les deux pays. Ces accrochages ont fait plusieurs milliers de morts de chaque côté sans qu’il n’y ait de guerre généralisée par la suite. Après cette période, une série de crises ont semé le trouble entre Islamabad et New Delhi après des attentats commis en Inde par des terroristes, dont certains venaient du Pakistan. On peut par exemple citer la prise d’otages de 2008 à Mumbai (Bombay) qui a fait des centaines de morts.

Mais la nouvelle crise qui a émergé ces derniers jours, également due à un attentat, est différente des précédentes, surtout que l’auteur de l’attentat n’est pas pakistanais, mais un Indien kashmiri (venant de la région du Cachemire). Elle se situe aussi dans un contexte de veille d’élections en Inde où le Premier ministre actuel Narendra Modi (conservateur), qui remet son poste en jeu, est en mauvaise posture face à la montée en puissance du Parti du Congrès (opposition). Le chef du gouvernement indien a besoin d’un discours nationaliste afin de mobiliser davantage son électorat. Le problème, c’est que le Pakistan a aussi réagi et a même marqué un point en capturant un pilote indien.

Cette escalade laisse-t-elle craindre un nouveau conflit ?

Aucun des deux acteurs n’a intérêt à aggraver la situation et à transformer cet accrochage en véritable guerre. Cependant, si l’escalade actuelle débouche sur un conflit, plusieurs hypothèses sont envisageables concernant le type d’armes qui pourraient être utilisées. Le Premier ministre pakistanais l’a implicitement reconnu hier en disant qu’Islamabad n’avait « pas intérêt à aller vers une confrontation (…) avec des moyens militaires énormes et notamment des armes nucléaires ». De son côté, l’Inde ne va sûrement pas répondre à la main tendue du Pakistan, synonyme de perte de points pour Modi, à un moment où Narendra Modi a besoin de montrer ses muscles.

Mais, encore une fois, l’éventualité d’une guerre est peu probable, même si on ne peut pas totalement l’écarter d’un revers de la main. L’Inde ne peut cependant maintenir la pression sur le Pakistan jusqu’aux élections, notamment en ce qui concerne le sort du groupe Jaish-e-Mahomet et sa liberté de mouvement dans le Cachemire pakistanais, sans risquer une confrontation militaire généralisée.

Quelles puissances pourraient intervenir et éventuellement calmer le jeu entre New Delhi et Islamabad ?

Plusieurs puissances n’ont pas intérêt à ce qu’un conflit éclate entre New Delhi et Islamabad. Les Américains ne peuvent pas accepter que l’Inde, leur principal allié dans la région, notamment après la détérioration de leurs relations avec le Pakistan, et seul rempart contre la puissance chinoise, soit affaibli. Pékin, qui a également des revendications sur le territoire du Cachemire, n’a pas non plus intérêt à ce que les accrochages débouchent sur une guerre parce qu’elle ne veut pas y être impliquée. L’Arabie saoudite, la Turquie, les Américains, mais aussi les Européens ont enfin appelé les deux parties au calme et n’ont pas envie qu’une quatrième guerre entre deux puissances nucléaires éclate.
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