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Les promesses du pétrole : une mission commerciale du Guyana arrive en Écosse

Presse
23 novembre 2018
D’importants gisements de pétrole brut ont été découverts au large du Guyana. Une mission commerciale venue de Georgetown, la capitale de ce pays anglophone, est attendue à Aberdeen en Ecosse. La capitale européenne de l’or noir entend coopérer avec le nouveau producteur d’Amérique du Sud.

Quelle est l’importance des grands gisements de pétrole découverts au large du Guyana, et notamment à partir de la plate-forme Lisa exploitée par l’américain ExxonMobil ?

Francis Perrin : C’est important pour ce pays parce que l’économie du Guyana sera transformée par l’arrivée du pétrole. En tout cas, cela va représenter beaucoup de recettes pour le pays, recettes d’exportations et recettes budgétaires. C’est important aussi pour le marché pétrolier, le groupe américain Exxon Mobil, premier groupe privé, pétrolier au monde, a déjà réalisé 9 découvertes de pétrole en mer, au large du Guyana. Les réserves sont estimées à plus de 4 milliards de barils, environ 600 millions de tonnes et peut-être beaucoup plus. Cela pourrait donner, à l’horizon 2025, une production pour le Guyana d’environ 750.000 barils par jour, un peu moins de 40 millions de tonnes par an. C’est significatif au niveau mondial et très important pour le pays et son économie. Le pétrole représente des flux financiers extrêmement importants, c’est ce que les économistes appellent la « rente pétrolière ». C’est une industrie qui amène des revenus qui seront partagés entre le gouvernement du Guyana et les compagnies pétrolières, principalement l’Américain Exxon Mobil.

Une délégation commerciale du Guyana est à Aberdeen en Ecosse, c’est l’amorce d’une coopération pour l’exploitation du pétrole ?

Le Guyana a évidemment des liens étroits avec le Royaume-Uni, pour des raisons historiques. Il est donc logique, pour une délégation commerciale du Guyana, d’aller vers un pays, le Royaume-Uni qui est un producteur et un exportateur de pétrole depuis de longues années. Aberdeen en Écosse, est considérée comme la capitale pétrolière de l’Europe, c’est une base majeure des forages pétroliers en mer du Nord. Avec une concentration de compétences en termes de pétrole, en termes de services pétroliers, de forages pétroliers, et aussi en termes de recherches et développements. C’est aussi, pour le Guyana, une façon intelligente de ne pas dépendre uniquement des américains d’ExxonMobil.

Pour les sociétés pétrolières écossaises comme pour le Guyana, l’intérêt c’est de trouver un accord gagnant-gagnant ?

Pour le Guyana, l’intérêt est clair, il s’agit d’avoir accès à l’expertise écossaise, expertise qui existe depuis des dizaines d’années, à pouvoir mettre en place des partenariats, des coopérations, à pouvoir faire bénéficier ses nationaux de formations, de spécialisations, et de pouvoir discuter avec des firmes écossaises qui ont un savoir-faire dans le domaine des forages pétroliers.
Pour l’Écosse, qui fait face à la diminution de la production de la mer du Nord, le Guyana peut représenter un marché intéressant. 9 découvertes de pétrole offshore c’est beaucoup, plus de 4 milliards de barils de réserves aussi. Et, selon Exxon Mobil qui dirige les travaux au large du Guyana ce n’est pas forcément la fin de l’histoire. Exxon Mobil veut accélérer les travaux d’exploration, car il pense que d’autres découvertes pétrolières sont possibles dans un avenir proche.

Ces rencontres, ces négociations à Aberdeen sont une première étape pour le Guyana comme pour le Royaume-Uni ?

C’est une prise de contact qui est destinée à déboucher sur des partenariats, cela permet de réunir à Aberdeen, dans le même lieu, l’industrie pétrolière et l’ensemble des services pétroliers dont le Guyana a besoin. Cela permet également de préparer des coopérations en termes de formations, n’oublions pas que dans l’industrie du pétrole il y a évidemment de gros investissements, il y a des équipements très chers, il y a beaucoup de matériels, mais l’essentiel comme dans toute industrie, ce sont d’abord les ressources humaines et donc la formation des hommes et des femmes. Le Guyana, qui n’a pas d’expérience pétrolière, doit faire monter en puissance une nouvelle génération d’ingénieurs, de techniciens, de juristes, d’économistes spécialisés dans les questions pétrolières. Les enjeux sont de permettre au pays de former un jour ses propres spécialistes de l’industrie du pétrole. Des étudiants du Guyana devraient venir se former en Ecosse, dans les entreprises du secteur mais aussi à l’université.

L’enjeu, c’est aussi de contrôler l’exploitation du pétrole ?

C’est essentiel pour un pays qui est un nouveau producteur de mettre l’accent sur les ressources humaines et la formation, pour ne pas être ignorant des réalités du marché pétrolier mondial et pouvoir dire son mot sur le devenir de son industrie pétrolière. Aberdeen est un lieu stratégique pour disposer de compétences, avec des centres de recherches sur les forages et les services pétroliers. La formation des futurs techniciens de l’industrie pétrolière du Guyana est donc tout à fait envisageable…
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