ANALYSES

La fin du G7 ?

Presse
11 juin 2018
Le dernier Sommet du G7 réuni au Canada fera date. Il restera dans l’Histoire comme la réunion d’un « G6+1 », tant les dissensions étaient fortes entre, d’un côté, Donald Trump (dernier arrivé, premier reparti) et de l’autre, les autres participants. Si les déclarations finales du sommet du G7 sont le plus souvent consensuelles, dans un revirement spectaculaire, le président américain a finalement rejeté les décisions du sommet.

Les six autres partenaires ont annoncé qu’ils tiendraient leurs engagements, mais les craintes de guerre commerciale (sur les tarifs douaniers) sont accrues. L’onde de choc Trump ne cesse de se faire sentir sur la scène internationale, y compris à l’égard de ses propres alliés historiques : il faut remonter à la crise/guerre en Irak pour assister à de telles dissensions au sein d’un “bloc occidental” de plus en plus fictif.

Dans ces conditions, la durée du mandat présidentiel de Donald Trump à la Maison-Blanche risque d’être une longue période d’incertitude et de tension pour le G7. Au-delà de la crise que suscite l’unilatéralisme des Etats-Unis, n’est-ce pas à une crise plus profonde à laquelle est confrontée ce haut lieu du multilatéralisme occidental ?

Le système de gouvernance mondiale semble comme figé dans le temps, celui de l’après-Seconde Guerre mondiale, un temps dominé par les pays industrialisés et dans lequel des pans entiers des enjeux globaux ne font pas l’objet d’une action collective. La focalisation sur les problèmes économiques, monétaires et commerciaux contraste avec les carences politiques, normatives, institutionnelles et financières dont pâtit la gouvernance mondiale en matière de lutte contre la faim et la pauvreté, de production de normes sociales et de sécurité alimentaire minimum… C’est du reste à travers le prisme de la légitimation de la gouvernance mondiale qu’est né le G20 suite à la grande crise financière de 2008.

G20 et G7

Dans le sillage du G7, le G20 offrait un nouveau cadre de coopération multilatérale et de concertation internationale caractérisé par l’insertion des grands pays émergents. La réunion de puissances occidentales et de puissances émergentes – ce qui permettait au G20 de représenter environ 90% du PIB mondial, alors que les économies du G7 en réunissent un peu plus de 55% – renforce la légitimité de ce nouvel instrument de la gouvernance mondiale.

Le perfectionnement de cet outil de la nouvelle gouvernance mondiale appelle une série de réformes pour mieux l’imposer : l’institutionnalisation du G20 sur la base d’un traité international qui en définirait les objectifs, les compétences, l’organisation et les mécanismes de décision ; l’adoption d’un budget propre ; la création d’un secrétariat administratif, organe permanent du G20 qui serait chargé du suivi de la mise en œuvre des accords conclus par les chefs d’Etat et de gouvernement ou par leurs ministres de l’Economie et des Finances ; repenser ses modalités de prise de décision par l’abandon de l’unanimité systématique en faveur du principe majoritaire ; enfin, pour ne plus se résumer à un forum interétatique sans pouvoir décisionnel, les délibérations qui caractérisent ses modalités de travail devraient déboucher sur l’adoption d’actes juridiquement contraignants.

Si la réforme de la gouvernance mondiale s’impose comme une priorité, celle-ci ne saurait reposer sur le seul principe des relations directes ou indirectes (par le biais des organisations internationales) entre les seuls Etats. Il conviendrait de créer des espaces publics mondiaux de débat citoyen. La société civile a un rôle déterminant dans l’institution d’une communauté mondiale démocratique. La prise en compte des revendications démocratiques des sociétés civiles passe par la définition des modalités d’une telle participation active des citoyens, en l’absence même de toute « élection mondiale ». Il convient ainsi de concevoir un lieu de représentation de la société civile mondiale, une sorte de « parlement mondial », ou du moins une structure délibérative dont il faut veiller à la légitimité, et dont les positions devraient être prises en compte par les institutions interétatiques.

De manière plus réaliste, il est possible d’intégrer plus formellement les ONG – qui ne doivent pas être issues exclusivement du monde occidental – dans les procédures de décision et de contrôle de ces mêmes institutions multilatérales. Les ONG ont démontré leur faculté à politiser et expliciter les enjeux de questions apparemment techniques. Leur action a contribué à révéler un certain désordre international et les vides politiques qui ne sont pas comblés par la coordination des institutions multilatérales…
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