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Guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis : la Chine est de plus en plus en position de force

Presse
17 avril 2018

Le 4 avril, Donald Trump a exprimé son avis sur la crise commerciale qui oppose actuellement Washington et Pékin dans le tweet suivant : « Nous ne sommes pas engagés dans une guerre commerciale avec la Chine, cette guerre a été perdue il y a des années par des gens inconscients ou incompétents qui représentaient les États-Unis ». En des termes aussi durs que résignés, le président américaina répondu aux multiples sollicitations afin de savoir si les mesures engagées depuis plusieurs semaines répondent à une volonté de déclencher une guerre commerciale avec la Chine. Et la réponse est non, car cette guerre ne saurait être imputée uniquement à sa politique économique et commerciale, mais à des éléments plus structurants et anciens, sur lesquels Pékin est désormais en position de force. Cette « guerre pacifique » qui oppose les deux premières puissances mondiales doit ainsi être analysée dans le temps long, et dépasser des chiffres qui indiquent une dépendance de plus en plus grande des États-Unis à l’égard de la Chine, avec notamment un déficit commercial abyssal et le rachat par des créanciers chinois de la dette américaine.


Depuis l’entrée de la Chine à l’OMC, mais aussi en écho à une irrésistible affirmation de la puissance chinoise caractérisée par de pharaoniques projets d’investissements dans le monde (connus sous le nom d’initiative de la ceinture et de la route), ou encore en tenant compte de l’effritement du poids des États-Unis dans l’économie mondiale au profit des émergents, Pékin en tête, de multiples stratagèmes ont été pensés à Washington pour répondre à un risque accru de transition de puissance.


Sous l’administration Clinton, les négociations sur l’entrée de la Chine à l’OMC avaient pour objectif de dompter Pékin ; l’équipe Bush a de son côté théorisé l’«endigagement», à savoir une stratégie double de rapprochement et d’endiguement de la Chine ; et Barack Obama a énoncé la stratégie du pivot vers l’Asie, qui avait pour objectif de rééquilibrer la relation avec Pékin et de renforcer le poids américain en Asie. Tous ces efforts ont échoué, et aucune administration américaine n’est ainsi parvenue depuis la fin de la guerre froide à contrôler, et encore moins stopper, la montée en puissance chinoise.


Au-delà du diagnostic assez juste dressé par le président américain, quels sont les remèdes proposés, tandis que le déficit commercial des États-Unis à l’égard de la Chine continue inexorablement de se creuser ? C’est là que le problème se pose. La mise en avant de mesures protectionnistes avec la taxation sur les importations d’acier et d’aluminium s’est faite de manière désordonnée et surtout trop délibérément antichinoise, au point de fournir à Pékin des arguments pour se victimiser et annoncer des mesures de rétorsion sans apparaître comme agressif.


Si la guerre commerciale entre Washington et Pékin ne date pas d’hier, la Chine est de plus en plus en position de force et les manœuvres de l’administration Trump ne font que le renforcer. Le tweet du président américain s’inscrit ainsi dans une reconnaissance de la démission de Washington, mais il soulève dans le même temps le risque de voir se multiplier des mesures visant à réduire les effets de l’échec des politiques commerciales américaines.


Gare au risque de voir les États-Unis se mettre un peu plus en situation difficile en apportant des réponses aussi maladroites que précipitées, et bouleverser des règles commerciales internationales dont ils ont pourtant été les principaux artisans.

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