ANALYSES

« Les Jeux offrent une visibilité diplomatique »

Presse
9 février 2018
Les deux Corées mettent leurs rivalités de côté le temps des Jeux olympiques. A qui va profiter cette trêve ?

La Corée du Sud est la grande bénéficiaire de cela, dans la mesure où elle a la garantie que les Jeux vont bien se passer, sans incident, et que chacun se sentira en sécurité et pas sous la menace d’un chantage permanent de la Corée du Nord. C’est aussi une victoire personnelle pour le président Moon, puisqu’il veut montrer que sa stratégie de petits pas avec la Corée du Nord produit plus d’effets que la stratégie du coup de poing sur la table et des déclarations agressives de Donald Trump. Le premier vainqueur c’est donc plutôt le président sud-coréen. Kim Jong-Un de son côté y a gagne aussi, parce qu’il va apparaître, non pas comme le fou que tout le monde prétend qu’il est, mais comme le chef d’une Corée du Nord qui est un pays finalement pas aussi éloigné des autres. Il va montrer qu’il n’est pas quelqu’un qui menace la Terre entière et la région en permanence.

Le perdant est un peu Donald Trump qui a été pris de court par la participation de la Corée du Nord aux JO. Trump apparaît un peu isolé et finalement esseulé, même s’il communique en disant que si la Corée du Nord est venue à un meilleur comportement, c’est du fait de ses menaces. Mais quand on entend les demandes de Trump pour obtenir des scénarios d’options militaires, quand on entend que l’ambassadeur américain désigné en Corée du Sud, qui est pourtant un faucon, juge les déclarations de Trump dangereuses, on voit bien que c’est le président américain qui sort perdant.

Que va-t-il se passer entre les deux Corée après les Jeux ?

Les relations inter-coréennes sont depuis vingt ans soumises au chaud et au froid : des rapprochements suivis de ruptures. On peut donc difficilement anticiper. Mais ce qui est certain, c’est qu’il n’y aura pas de réconciliation, car la Corée du Nord ne renoncera pas aux armes nucléaires qui sont la garantie du régime. Deux options sont alors possibles : de nouveau un retour aux invectives en cas de manœuvres militaires importantes, ou un apaisement entre les deux Corées débouchant sur une relation plus stable.

Les Jeux olympiques sont-ils la seule façon pour certains pays d’exister diplomatiquement ?

La Corée du Nord existe sans les Jeux olympiques, mais de façon négative. Avec les JO, elle va exister cette fois de façon positive. Les Jeux olympiques ont été pour la Corée du Nord un prétexte idéal pour faire un geste vers la Corée du Sud. Les Jeux ont donc été extrêmement utiles pour faire baisser les tensions. Sans les JO, cela aurait été beaucoup plus difficile.

Dans le choix des villes hôtes des JO, dans la façon dont les JO ou certaines grandes compétitions sont organisées, les enjeux sportifs ne sont-ils pas éclipsés par les enjeux diplomatiques ?

Il y a les deux. Il y a bien sûr des enjeux sportifs qui restent. On va regarder les épreuves, on va suivre, les uns et les autres, des athlètes en fonction du pays ou de la discipline, etc. Les enjeux sportifs donnent une visibilité énorme aux Jeux olympiques, et notamment pour ceux d’été. Mais il y a également une visibilité diplomatique, stratégique qui est très forte.

Les Jeux olympiques sont-ils encore une tribune pour certaines causes, comme on l’a vu par le passé à Mexico en 1968 ?

Parallèlement aux Jeux, cela peut être l’occasion de faire avancer des causes. Mais pour les athlètes, le CIO (Comité international olympique, ndlr) interdit toute manifestation de peur d’être débordé. Pour les athlètes qui participent, s’ils montraient le moindre signe, ils seraient sanctionnés. Il y a bien sûr des exceptions, comme à Mexico, mais c’est extrêmement rare.

Propos recueillis par Philippe Rioux pour la Dépêche du Midi
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