ANALYSES

Le Japon veut renforcer son équipement pour contrer la menace nord-coréenne

Tribune
13 décembre 2017


Le ministère de la Défense japonais demandera des fonds supplémentaires dans le prochain budget militaire pour l’achat de missiles de croisière à longue portée emportés sur des avions de chasse, a déclaré vendredi 8 décembre le ministre de la Défense, Itsunori Onodera. M. Onodera a démenti que ces nouvelles acquisitions constitueront un changement dans la politique strictement défensive du Japon, selon laquelle les Forces d’autodéfense n’ont pas la capacité de frapper le territoire d’autres pays.

Le ministère de la défense avait déjà demandé en août un budget record pour l’exercice 2018, afin de contrer la menace que représentent les programmes de missiles balistiques et d’armes nucléaires de la Corée du Nord. Le gouvernement affirme que la Constitution autorise la possibilité de mener des frappes dès lors qu’elles peuvent être considérées comme une mesure de légitime défense.

Les missiles de croisière dont souhaitent se doter le Japon sont le JSM de la société norvégienne Kongsberg Defence & Aerospace, d’une portée d’environ 500 km, et les missiles JASSM-ER et LRASM de Lockheed Martin Corp., qui ont chacun une portée d’environ 900 km. Cette portée est très supérieure aux limites qu’impose la Constitution pacifiste japonaise qui limite à 300 kilomètres la portée des missiles actuellement utilisés par l’armée japonaise. Le JSM sera installé sur des chasseurs furtifs de la Force d’autodéfense aérienne, les fameux F-35 dont Tokyo souhaite acheter 42 exemplaires, et le JASSM-ER et le LRASM vont être étudiés pour un montage possible sur des chasseurs F-15. M. Onodera a déclaré que ces missiles seraient utilisés pour défendre les destroyers de la Force d’autodéfense maritime équipés du système de défense antimissile Aegis. Il a également suggéré qu’ils pourraient être utilisés dans la défense d’îles, « traitant des forces de surface ennemies ou des forces de débarquement avant qu’elles ne se rapprochent ».

Une majorité de Japonais se dit favorable à l’achat de ces missiles capables de frapper la Corée du Nord, car Pyongyang a procédé à plusieurs dizaines de tirs expérimentaux de missiles dont deux ont survolé le Japon. Cela va dans le sens de Tokyo qui met en avant la menace nord-coréenne, notamment dans ses Livres Blancs de la défense qui paraissent à l’été. De telles mesures correspondent aussi à la volonté du Premier ministre japonais Shinzo Abe de doter le pays d’une armée performante face aux nombreuses menaces régionales et de se libérer du « carcan » pacifiste de la Constitution.

Il est à craindre que cette dotation en missiles de croisière renforce certes la capacité dissuasive du Japon vis-à-vis de la Corée du Nord même si celle-ci est imprévisible mais que, néanmoins, elle conduise à une accélération de la course aux armements régionale. Tous les pays de cette région d’Asie du Nord-Est ont des programmes de missiles de croisière. La Corée du Nord développe des missiles de croisière antinavires d’une portée d’environ 200 km. Et chaque tir de missile nord-coréen entraîne des répliques. Moins de 24 heures après l’essai nord-coréen qui a été largement condamné par la communauté internationale, mercredi 5 juillet, les forces sud-coréennes et américaines avaient ainsi tiré de la péninsule plusieurs missiles de courte portée qui se sont abattus en mer du Japon. Côté chinois, alors que Pékin est engagée dans un ambitieux programme de modernisation militaire, un concepteur chinois a annoncé à l’été 2016 développer une nouvelle génération de missiles de croisière dotée d’un taux élevé d’intelligence artificielle et d’automatisation. Enfin et surtout, la Corée du Sud a testé à la mi-septembre un nouveau missile de croisière sophistiqué qui renforcerait sa capacité à lancer des attaques anticipées contre la Corée du Nord en cas de conflit. L’armée sud-coréenne a révélé que le missile Taurus a été lancé par un chasseur F-15. Il a ensuite évité une série d’obstacles à faible altitude avant de frapper sa cible, mardi. Le missile est fabriqué par la firme allemande Taurus Systems. Il a une portée maximale de 500 kilomètres et est doté de caractéristiques furtives qui lui permettent d’échapper aux radars.

Ces différents programmes ne sont pas de nature à stabiliser une situation déjà très tendue, même si l’affichage politique constitue un facteur dissuasif. Ils risquent de rendre encore plus imprévisible la Corée du Nord qui pourrait dans sa paranoïa sécuritaire s’estimer encore plus menacée.
Sur la même thématique
Quel avenir pour Taiwan ?